Conflit Teke-Yaka en RDC: prêtres et religieuses évacués par l’armée
Vatican News, avec Jean-Baptiste Malenge - Kinshasa
La situation sécuritaire dans le territoire de Kwamouth, dans la province du Mai-Ndombe, au sud-ouest de la RD Congo, s’est exacerbée en ce début d’année 2024. L’archevêque de Kinshasa, le cardinal Fridolin Ambongo, a noté la préoccupation pour le conflit persistant dans cette partie de son diocèse, le plateau des Bateke. Le prélat l’a épinglé parmi les points sombres de l’année 2023. Il l’a relevé le jeudi 4 janvier, dans la cathédrale Notre-Dame du Congo, au cours de la cérémonie d’échange de vœux pour l’année nouvelle.
Le même jeudi 4 janvier, de lourds affrontements avaient eu lieu entre les Forces armées de la République et la milice armée dite des Mobondo dans la cité de Masiambio, dans le territoire de Kwamouth, sur la route nationale n° 17 reliant la capitale Kinshasa à Bandundu, chef-lieu de la province du Kwilu.
L’armée a évacué un prêtre et des religieuses
Un hélicoptère des Forces armées a évacué le curé de la paroisse Notre-Dame des sept douleurs de Masiambio, Monsieur l’abbé Chrysostome Esamwala et le diacre Patrick Kieleka ainsi que cinq religieuses de la congrégation des Sœurs de Saint Benoît Joseph Labre. Les religieuses ont ainsi emmené à Kinshasa des orphelins dont elles s’occupent dans cette paroisse relevant du diocèse de Kenge.
Un conflit qui dure depuis deux ans
Depuis deux ans que dure le conflit dit «Teke-Yaka» à une centaine de kilomètres de Kinshasa, les autorités politico-administratives ne se sont pas rendues sur le lieu, signalent les religieuses. Elles ont juste reçu la visite des deux évêques de Kinshasa, le cardinal Ambongo et de Kenge, Mgr Jean-Pierre Kwambamba. La population n’a pas participé aux récentes élections générales. Et sur les réseaux sociaux, la supérieure générale des Sœurs de saint Benoît Joseph Labre, sœur Bernadette Mafankolo, multiplie des appels au secours.
L’Eglise catholique avait tiré la sonnette d’alarme
Le différend a éclaté en août 2022 à Kwamouth, cité de la province du Mai-Ndombe relevant de l’archidiocèse de Kinshasa. Le conflit foncier a causé plusieurs morts et des milliers de déplacés. Beaucoup sont arrivés jusqu’à Bandundu. En septembre 2022, le cardinal Ambongo est allé à leur rencontre. Il leur a prêché la paix et la réconciliation. En octobre suivant, l’archevêque de Kinshasa avait mis en garde contre les conséquences de ce conflit qui débordait déjà le territoire de Kwamouth: «ce qui se passe actuellement à Kwamouth et qui commence à avoir des répercussions sur le territoire voisin de Bagata, si nous n’y prenons pas garde et si nous ne nous tournons pas vers le Seigneur afin qu’il puisse nous transformer, pour voir dans l’autre, non pas un ennemi à abattre, mais plutôt un frère, demain, nous serons tous emportés par le torrent de la méchanceté qui a commencé sur le territoire de Kwamouth», déclarait-il. Le cardinal Ambongo avait également attiré l’attention sur un possible débordement des actes de violences sur la ville de Kinshasa, frontalière de Kwamouth.
Le prélat demandait surtout de prendre des mesures pour ne pas laisser agir «ces groupes des bandits armés incontrôlables et qui se sont imposés en patrons…par faute d’autorité de l’Etat». Car, lancait-il, «lorsque l’Etat démissionne, lorsque l’Etat est absent sur un territoire, il y aura toujours des forces obscures qui prendront le pouvoir».
«Retirez vos mains de nos Provinces!»
Réunis du 16 au 21 mai 2023 à Kenge pour leur session ordinaire, les évêques de l’assemblée épiscopale provinciale de Kinshasa appelaient notamment à mettre fin à ce conflit et à son instrumentalisation pour des intérêts politiques et économiques. «Retirez vos mains de nos Provinces! Cessez de manipuler et d'instrumentaliser un peuple déjà meurtri par la souffrance, la misère et les deuils récurrents», déclaraient-ils dans leur communiqué final.
«Depuis plus d'une année, le conflit foncier survenu sur le territoire de Kwamouth, dans la province de Mai-Ndombe, s'est étendu comme un feu de brousse dévastateur qui a atteint les provinces voisines du Kwilu, Kwango, voire de Kinshasa», constataient les pasteurs dans leur communiqué, inquiets de la situation. Les évêques rappelaient «les massacres et troubles perpétrés à Batshiongo, Mongata, Kipulamba, Kabuba, Tadika et à la ferme Mayobo, qui ont provoqué le déplacement massif des populations, et continué de semer la désolation et l'insécurité».
Tout est parti «d'un litige foncier»
Le conflit entre les ethnies Teke et Yaka, ayant éclaté à la suite «d'un litige foncier», sont «récupérés par des personnes qui défendent des intérêts occultes à caractère politique et économique», expliquaient les évêques, tout en condamnant cette «pure instrumentalisation par ces hommes politiques en quête de légitimité locale».
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