Lutter contre la traite humaine en tirant les femmes de la prostitution
Stanislas Kambashi,SJ – Cité du Vatican
Ce jeudi 8 février marque la 10ème journée mondiale de prière et de réflexion contre la traite des êtres humains, depuis son institution en 2015 par le Pape François, en honneur de la mémoire liturgique de sainte Joséphine Bakhita, religieuse soudanaise victime de l’esclavage au XXè siècle. En prélude à cette journée, une semaine de mobilisation et de prière contre la traite des personnes a été organisée par Talitha Kum, du 2 au 8 février. Cinquante jeunes représentants des organisations partenaires qui promeuvent la journée se sont réunis à Rome pour réfléchir, prier et partager leur expérience d'engagement contre ce phénomène mondial. Des milliers d’autres personnes dans le monde entier, de nombreuses paroisses, communautés et associations ont participé en ligne.
Deux participants ont témoigné de leurs expériences dans la lutte contre le traite des êtres humains: Samuele Paolucci, de l’association Pape Jean XXIII et sœur Xavérine Munkansinga, religieuse rwandaise en mission au Burkina Faso.
Sauver les femmes des mains des trafiquants d’êtres humains
Samuele Paolucci, jeune italien installé en France, a représenté l’association Pape Jean XXIII, qui essaie notamment de sortir les femmes des réseaux de prostitution dans quelques pays européens. Ses membres vont à la rencontre des femmes qui sont obligés de prostituer, le soir, dans les rues de certaines capitales européennes. Une fois qu’un climat de confiance est instauré grâce à la régularité des rencontres et aux liens tissés, l’association leur suggère de changer de vie. L’écoute et l’accompagnement proposés permet d’identifier les désirs de ces femmes: certaines souhaitent quitter les lieux où elles se prostituent et l’association Pape Jean XXIII les aide à obtenir des papiers pour s’en fuir le plus loin possible. «Si elles sortent de ces réseaux de prostitution, elles risquent leur vie. Certaines femmes se sont fait jeter du cinquième étage et d’autres se sont fait mutiler», a témoigner Samuele Paolucci. Une fois mises à l’abris, elles sont suivies par des psychologues, car elles ont vécu des traumas et des maltraitances psychologiques.
La pression et l’emprise qui pèsent sur ces victimes
Pour la plupart des cas, les femmes qui tombent dans ce traffic viennent de L’Afrique ou de l’Europe de l’Est. Une fois que la victime a retrouvé son équilibre psychologique, l’association aide, dans certains cas, à intenter des actions en justice contre leurs bourreaux. Ceci n’est pas toujours facile, indique Samuele Paolucci, car certaines d’entre elles sont sous pression, sous emprise et n’arrivent pas à avouer et à dénoncer et, au tribunal, elles retirent ce qu’elles avaient dit au par avant. La pression médiatique est parfois forte et, pour les protéger, l’association les garde dans l’anonymat. Dans leur service, les membres de l’association font régulièrement face aux menaces, mais ils sont convaincus qu’ils doivent aider ces femmes à retrouver leur liberté et leur dignité.
Au Burkina Faso, des filles en quête du travail et victimes de la prostitution
Sœur Xavérine Munkansinga a également pris part à la rencontre au nom de sa congrégation, les sœurs missionnaires de Notre Dame d’Afrique, également engagée dans Thalitha Kum. Elles accompagnent notamment les jeunes filles victimes des réseaux de prostitution, en collaboration avec un centre social protestant. Au Burkina Faso, a témoigné sœur Munkansinga, on rencontre des jeunes filles qui ont quitté leurs villages pour la ville ou qui sont venues d’autres pays comme le Nigeria, et qui sont en quête du travail. Certaines d’entre elles tombent entre les mains de ces trafiquants qui les font travailler dans leurs réseaux de prostitution. Certaines réussissent dénoncer à la police, qui les confie à des associations sociales ou les aide à retourner dans leurs pays ou lieux d’origine.
Ces filles ont besoin d’être écoutées, accompagnées, encouragées
Une fois en contact avec ces filles, les sœurs missionnaires de Notre Dame d’Afrique leur offre l’accompagnement et l’écoute, «car elles ont besoin d’être écoutées». Elles encouragent aussi celles qui sont découragés et ne savent plus quoi faire. Les religieuses les conscientisent aussi pour que, une fois réinsérées dans la vie sociale, elles puissent décourager d’autres filles à tenter la même aventure qu’elles. Auprès des sœurs et dans des centres sociaux, elles apprennent des métiers comme la couture, la restauration, etc., pour pouvoir se créer une activité qui leur permettent de vivre. Les sœurs missionnaires de Notre Dame d’Afrique et les centres sociaux font aussi des plaidoyers auprès des autorités du pays, en faveur de ces filles victimes des trafiquants.
Sensibiliser et éradiquer le phénomène de la traite des êtres humains
Pour Samule Paolucci, on ne peut mieux combattre ce phénomène que par la sensibilisation. Il faut à la fois décourager «les consommateurs de la prostitution» et mettre la main sur les organisateurs de ces réseaux. Il appelle les femmes victimes à faire confiance à l’association Pape Jean XXIII, afin qu’elles puissent continuer à dénoncer en justice. La sœur Xavérine Munkansinga appelle les autorités des pays à mieux contrôler les mouvements, surtout des jeunes, qui sont le plus exposés à ce trafic. Elle conseille aux jeunes filles et garçons, de mieux se rassurer d’une bonne situation de la situation avant de tenter l’aventure. Autrement, elle suggère de se débrouiller chez soi, plutôt que d’aller risquer sa vie ailleurs.
La sœur Xavérine Munkansinga a, par ailleurs, souligné le travail de sensibilisation que fait Talitha Kum, à travers sa congrégation, au Burkina Faso. Elles vont dans des écoles ou auprès des jeunes, pour leur faire prendre conscience des réalités et les détourner des illusions d’une vie meilleure ailleurs.
Talitha Kum, réseau qui se défini comme une «initiative internationale contre la traite et l'exploitation des êtres humains, - et encourage la collaboration entre les réseaux organisés aux niveaux national, régional et continental, en soutenant activement les victimes, les survivants et les personnes à risque».
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