En Colombie, l’Église exhorte à sauver les habitants de La Guarija
Marie Duhamel – Cité du Vatican
«La Guajira est une terre riche, mais c'est aussi une terre qui souffre», constate Mgr Francisco Antonio Ceballos Escobar, à la tête du diocèse de Riohacha depuis le printemps 2020.
La déstabilisation du département commence vingt ans avant son arrivée, avec le début de l’extraction de la houille, incarnée aujourd’hui par El Cerrejon. Propriété exclusive de Glencore depuis 2021, la mine à ciel ouvert, une des plus grandes au monde, a vu sa production augmenter en raison des besoins énergétiques de l’UE après la guerre d’agression lancée par la Russie en Ukraine.
L’exploitation minière représentait 43% du PIB local en 2024 selon Le Monde et génère des milliers d’emplois directs et indirects, et elle a également entrainé comme ailleurs, de très importants déplacements de populations ayant provoqué la fin du mode de vie agro-pastorale, et l’appauvrissement des communautés indigènes wayuu et afro-colombiennes qui peuplent majoritairement le territoire. En raison des déboisements massifs qui ont modifié son climat le rendant toujours plus aride.
Une faillite quasi généralisée
Aujourd’hui, l'agriculture, l'industrie, tourisme et commerce sont en faillite, juge Mgr Francisco Antonio Ceballos Escobar qui déplore «la perte de la souveraineté alimentaire». La mortalité infantile liée à la malnutrition atteint des records à La Guajira. En 2023, 45 enfants sont morts de faim selon l’Institut national de la Santé. Dans un tel contexte, poursuit l’évêque, «les inégalités sociales et le clientélisme s'accroissent».
La congrégation de Mgr Ceballos Escobar ajoute que la situation s’est encore détériorée en raison de l’arrivée massive de Vénézueliens. Ces dernières années, La Guarija a accueilli et assisté «avec des aides locales» 300 000 migrants ayant fui Maracaibo et l’État de Zulia. Les Rédemptoris soulignent également dans leur liste de facteur aggravant la fin du soutien américain, l’administration Trump ayant décidé de revoir sa politique d’aide au développement. 83% des programmes humanitaires de l’USAID ont été coupés ce mardi 11 mars 2025.
«La crise humanitaire, environnementale et politique que nous traversons nous oblige à agir de toute urgence», lance l’évêque de Riohacha. Mgr Francisco Antonio Ceballos Escobar souligne la nécessité de parvenir à un «Grand Accord pour le développement», qui permettra de surmonter les divisions sociopolitiques et de construire un avenir prospère pour le département.
«Nous ne pouvons pas continuer à laisser les divisions et les intérêts particuliers nous empêcher d'avancer. Il est temps de s'asseoir pour dialoguer, de s'écouter et de travailler ensemble pour le bien commun», explique-t-il.
Trouver ensemble un plan d'action
À ces fins, l’évêque a annoncé avoir accepté l'invitation de certaines organisations de la société civile, comme le Comité civique pour la dignité de La Guajira et le Front large des usagers des services publics de La Guajira qui espèrent impliquer davantage d’acteurs à un dialogue social qui donnerait la priorité à la recherche du bien commun, dans le respect de la pluralité et du multiculturalisme de la région.
«Les dirigeants politiques, les communautés ethniques, les organisations sociales, les associations productives, le monde universitaire et les médias sont appelés à ce dialogue», fait savoir l’évêque.
Ce jeudi 6 mars, Mgr Ceballos Escobar a pris part à une réunion rassemblant des élus locaux et des membres de la société civile, dont le président du Comité civique pour la dignité de La Guajira, au sein des bureaux de l’Assemblée départementale, pour réfléchir aux défis à relever, avec l’espoir de trouver les moyens de renforcer les espaces de dialogue pour promouvoir la diversification et la modernisation de l'économie régionale. Ancien gouverneur, sénateur ou députés ont convenu de la nécessité de travailler dans l'unité, et ont réaffirmé leur engagement en faveur d'initiatives visant à promouvoir le bien-être et la prospérité de La Guajira.
Mission de médiation assumée
Mgr Ceballos Escobar affirme que l'Église assume cette mission de médiation, «s'inspirant de l'Évangile, de la Doctrine sociale de l'Église, du magistère social du Pape François et de la préoccupation du Saint-Père pour la construction d'une culture de la rencontre qui surmonte l'indifférence à l'égard de ceux qui souffrent et rend possible la reconnaissance de la dignité de chaque personne humaine».
Dans son message, l'évêque de Riohacha évoque l’encyclique Fratelli tutti, dans laquelle le Pape souligne que le dialogue est le moyen le plus approprié pour surmonter les différences et construire un consensus. «Ce dialogue n'est pas seulement une méthode pour résoudre les problèmes, mais une occasion de renforcer nos institutions démocratiques et de construire une citoyenneté plus active et engagée», a commenté Mgr Ceballos Escobar soucieux des conditions de vie de ses fidèles.
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