Veillée de prière organisée par la Communauté de Sant'Egidio depuis la place Santa Maria in Trastevere, lundi 22 septembre 2025. Veillée de prière organisée par la Communauté de Sant'Egidio depuis la place Santa Maria in Trastevere, lundi 22 septembre 2025. 

Cardinal Pizzaballa: nous n'avons jamais vécu un moment aussi difficile

«Nous avons laissé le champ libre à de nombreux extrémistes, d'un côté comme de l'autre. Nous devons continuer à rendre justice et dire la vérité avec amour», a déclaré le patriarche latin de Jérusalem, dans un message vidéo, lors de la veillée de prière «Paix pour Gaza», organisée à Rome par la Communauté de Sant'Egidio et promue par un vaste réseau d'associations catholiques.

Antonella Palermo - Cité du Vatican

Ne trahissons jamais notre humanité. Tel est l'appel lancé lundi soir, 22 septembre, depuis la place Santa Maria in Trastevere, au cœur de Rome, lors de la veillée de prière organisée par la Communauté de Sant'Egidio dans la basilique du même nom, qui a rassemblé des centaines de personnes sous le signe de la paix à Gaza. ACLI, AGESCI, Action catholique italienne, Communion et Libération, Communauté Pape Jean XXIII, Coopérative Auxilium, Mouvement chrétien des travailleurs, Mouvement des Focolari, Mouvement politique pour l'unité, OFS Ordre franciscain séculier, Renouveau dans l'Esprit Saint, Union des supérieurs généraux USG, Union des supérieures générales UISG. Un vaste réseau qui a imploré le cessez-le-feu et la libération des otages, une solution diplomatique négociée, le respect intégral du droit international humanitaire dans la bande de Gaza en proie aux bombardements israëliens.

C'est le président de la Communauté de Sant'Egidio, Marco Impagliazzo, qui a ouvert le moment de recueillement, en animant les chants communautaires afin de créer une atmosphère à la fois intime et solennelle. Il a cité Giorgio La Pira et rappelé ce qu'il disait à propos de l'efficacité de la prière qui a une «force historique». «La prière peut toucher les cœurs», a-t-il souligné. Implorant ensuite: «Que le respect du droit international soit rétabli dans cette région. Prions pour toutes les victimes de la guerre». Le cardinal Gualtiero Bassetti, archevêque émérite de Pérouse-Città della Pieve, ancien président des évêques italiens, a présidé la soirée et médité sur le passage des Béatitudes de l'Évangile selon Matthieu.


Cardinal Bassetti: la guerre n'est jamais un malheur qui arrive par hasard

L'enseignement de La Pira, dont le cardinal Bassetti s'est largement inspiré, a été remis en circulation ce lundi soir même. On se souvient, par exemple, des paroles prononcées par le philosophe autrichien naturalisé israélien Martin Buber à l'adresse du maire de Florence de l'époque: «Avant tout, que les hommes de bonne volonté se parlent, comme eux seuls savent le faire». C'est en effet le dialogue qui doit être relancé. Et ce soir, cela se fait sous la forme d'une supplique. «Œuvrer pour la paix est une action très concrète», a fait savoir le cardinal, qui a ajouté: «Nous n'ignorons pas les autres guerres terribles et les autres lieux où le droit international et le droit humanitaire sont violés. Prier et veiller sur Gaza n'implique pas d'oublier toutes les victimes d'atrocités, mais d'avoir conscience que chaque guerre, chaque atrocité, chaque violation des droits humains est le fruit de décisions ponctuelles, qui génèrent des souffrances en des points précis de la terre». La guerre, a-t-il insisté, «n'est jamais un malheur qui survient par hasard ; elle est décidée et voulue. Nous n'avons pas été capables d'arrêter cette chaîne de choix avant qu'elle ne produise les effets les plus atroces ».

La violence peut et doit être stoppée

«Nous devons prendre conscience, et cette journée de mobilisation nous y encourage, que ces choix peuvent et doivent être renversés». La violence, a poursuivi le cardinal Bassetti, «peut et doit être stoppée ». «Ce que nous demandons ce lundi soir c'est de redonner un élan aux processus visant à trouver une solution négociée à tous les conflits». Et encore, a-t-il expliqué: «Être réunis, avec des expressions et des sensibilités variées, est un signal puissant que personne ne devrait sous-estimer». Le cardinal a insisté sur le fait que nous devons tous être «interpellés par l'obligation de conscience de ne jamais trahir notre humanité. Chaque personne a toujours une dignité inviolable à respecter et à préserver». Il a cité ensuite les paroles prononcées par le Pape lors de l'Angélus du dimanche 21 septembre, remerciant les associations engagées dans la solidarité avec la population de la bande de Gaza. Il y a encore de la place pour l'espoir: «Malgré tout, l'espoir ne recule pas», a-t-il dit, considérant le passage des Béatitudes comme une carte d'orientation pour tracer les dynamiques du Royaume, même dans le drame actuel. «Malheureux ceux qui ne ressentent pas de compassion, qui est toujours partage».

Il a ensuite lu  quelques vers d'une mère de Gaza, Ni'ma Hassan: Une mère à Gaza ne dort pas / Elle écoute l'obscurité, en contrôle les limites, filtre les sons un par un / pour choisir une histoire qui lui convient, / pour bercer ses enfants / Et après que tout le monde s'est endormi, / elle se dresse comme un bouclier face à la mort/Une mère à Gaza ne pleure pas/Elle rassemble la peur, la colère et les prières dans ses poumons,/et attend que le vrombissement des avions cesse pour libérer son souffle [...].


La paix et la sécurité ne sont pas garanties par l’exclusion des pauvres

«L'attente de la paix, de la fraternité et de la prospérité partagée peut être reniée par l'égoïsme, la logique de la haine, la soif de vengeance et surtout de pouvoir. Elle peut être obscurcie par le traumatisme de la violence subie, mais c'est une attente qui ne peut être effacée. elle anime au contraire la culture profonde de chaque peuple», a insisté le cardinal Bassetti. Car, disait-il, «la paix et la sécurité ne sont pas garanties par la guerre, le réarmement, l’exclusion égoïste des pauvres. Ce n'est pas celui qui gagne, mais seulement celui qui gagne la paix qui peut préserver la paix. Les peuples ne se laissent pas tromper longtemps».L'invitation est d'être les animateurs de ce processus de paix car, pour citer le prophète, c'est le moment de forcer l'aurore.

Les paroles du cardinal ont trouvé un écho chez les jeunes et les moins jeunes qui, depuis l'assemblée, ont lu les invocations: pour ceux qui ont déjà tout perdu à Gaza, qu'ils ne soient pas privés d'espoir; pour que cessent les déportations; pour que ceux dont la vie est en danger soient nourris et secourus; pour les enfants déchirés dans leur âme, leur corps et leur esprit; pour les femmes, les veuves, les mères qui pleurent leurs proches; pour la libération de tous les otages, pour ceux qui ont été blessés le 7 octobre; pour que le terrorisme soit vaincu et ne fasse plus de victimes innocentes, pour que la haine qui l'alimente soit vaincue. Et encore, pour tous les artisans de paix, chrétiens, musulmans, juifs; pour les secouristes qui risquent leur vie pour sauver celle des autres; pour que cesse cette guerre obscène contre des civils sans défense.

Le cardinal Pizzaballa reste confiant malgré les difficultés

Après la prière des fidèles, le chant du Notre Père a préparé à l'écoute du patriarche Pierbattista Pizzaballa, qui est intervenu, depuis Jérusalem, par un message vidéo dans lequel il a commenté le texte des Béatitudes. Le texte résonne, a-t-il admis, presque comme une contradiction. À une époque et dans un endroit du monde où tout le contraire de la douceur semble triompher, «cette béatitude me frappe», a-t-il confessé. «Nous sommes brisés, profondément blessés par ce que nous vivons, par le climat de haine qui a engendré cette violence qui, à son tour, engendre davantage de haine dans un cercle vicieux impossible à briser». «Nous avons laissé le champ libre à de nombreux extrémistes des deux côtés». Mais, a-t-il précisé, «je vois aussi beaucoup de personnes douces. Toutes ces personnes qui s'engagent, qui rendent justice au prix de sacrifices personnels, Israéliens, Palestiniens, juifs, chrétiens, musulmans, ici, ce n'est pas une question d'appartenance mais d'humanité avant tout». C'est une source d'espoir pour le franciscain qui a toutefois affirmé qu'en 35 ans de présence en Terre Sainte, «je n'ai jamais vécu un moment aussi difficile».

L'espoir est que, «ici aussi, on ne sait ni comment ni quand, grâce à ceux dont le cœur est ouvert, qui par nature ne font pas de bruit mais sont présents», il sera possible de créer un tissu sur lequel reconstruire petit à petit l'avenir. «Nous devons continuer à rendre justice, à dire la vérité avec amour envers tous». Sachant que viendra le moment, a commenté le patriarche Pizzaballa, «où le langage de la force échouera, où tout ce château de violence s'effondrera, nous devrons être prêts. Et nous devrons, par notre parole et notre témoignage, apporter la force de cette douceur, afin que tous puissent hériter dans la beauté, l'amour et la douceur, la terre que Dieu nous a donnée».


Une pluralité de réalités ecclésiales unies pour la paix

Cette veillée, à laquelle ont participé des dizaines et des dizaines de personnes présentes et des milliers d'autres connectées en streaming, a également attiré plusieurs prêtres qui se sont joints à la marche pour la paix en Palestine, dénonçant ce qui se passe comme un «génocide». Partis de l'église San Andrea della Valle, ils ont effectué plusieurs «étapes» dans différents endroits du centre de Rome jusqu'à Montecitorio, siège de la Chambre des députés italiens chantant, priant et brandissant des banderoles. Une mobilisation d'une centaine de participants. D'autres initiatives auront lieu dans les prochains jours. À l'église San Giuseppe dei Falegnami, près du Forum romain, une veillée de prière ininterrompue pour Gaza et la Terre Sainte est organisée, depuis ce lundi jusqu’à jeudi 25 septembre. Les journées seront rythmées par trois moments communautaires: louanges, vêpres, célébration eucharistique du soir et adoration eucharistique continue. 

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

23 septembre 2025, 10:57