Décès du cardinal Dominik Duka, archevêque émérite de Prague

Vatican News

Figure historique du combat des Églises d’Europe de l’Est contre le communisme, le cardinal Dominik Duka est décédé à trois heures du matin ce mardi 4 novembre à l'hôpital militaire central de Prague, annonce l’archidiocèse de Prague. La messe de funérailles sera célébrée le 15 novembre dans la cathédrale Saint-Guy, Saint-Venceslas et Saint-Adalbert. Le cardinal y sera inhumé dans la chapelle Saint-Guy. Les fidèles souhaitant rendre un dernier hommage à l’ancien archevêque de Prague pourront le faire les 13 et 14 novembre à l'église de Tous-les-Saints.

Entrée dans la clandestinité

Né le 26 avril 1943 à Hradec Králové, en Tchécoslovaquie sous occupation nazie, Jaroslav Václav Duka grandit pendant plusieurs années avec sa sœur et sa mère. Son père, militaire intégré à l’armée nazie, entre en résistance depuis l’Angleterre en 1944. En 1948, il est emprisonné avec les officiers du front occidental, pour n’être réhabilité qu’après la révolution de Velours en 1989. Le passé de son père empêche le jeune Jaroslav Václav Duka de poursuivre ses études après le baccalauréat. Il est contraint de travailler dans une usine gouvernementale avant d’effectuer son service militaire. En 1965, il parvient, après plusieurs échecs, à initier des études de théologie à la faculté Cyrilometodějská de Litoměřice.

À 25 ans, en janvier 1968, il entre secrètement dans l'ordre dominicain, interdit par le régime, et prend le nom de Dominik, fondateur de l’Ordre des prêcheurs. Il est ordonné prêtre le 22 juin 1970, pour se voir privé par l’État, cinq ans plus tard, de l'autorisation d'exercer son ministère pastoral. De nouveau, il entre à l’usine Škoda à Pilsen, où il exercera pendant 15 le métier de dessinateur industriel.

Incarcération

Dans la clandestinité, le père Dominik Duka poursuit ses études – il obtient une licence en théologie à la Faculté pontificale Saint-Jean-Baptiste de Varsovie, et son ministère, comme maître des clercs et vicaire du provincial des dominicains. Titre qu’il conserve en dépit de son incarcération pour 15 mois en 1981, quand il fut condamné pour «entrave à la surveillance étatique des Églises». En prison, il rencontrera de grands noms de l’opposition, comme Václav Havel (ndlr: premier président de la République tchèque de 1993 à 2003) avec lequel il gardera des liens d’amitié. À sa sortie, il reprend son travail à l’usine jusqu’en 1989, un an après avoir été secrètement été nommé provincial des dominicains de Bohême-Moravie. Il a exercé cette fonction pendant 12 ans.

La liberté

Après la chute du régime, et quarante ans de totalitarisme, le père Duka peut désormais publiquement occuper cette fonction, ce qu’il fera pendant douze ans. Parallèlement, il enseigne à la faculté de théologie de l'université Palacký à Olomouc et exerce la fonction de président de la Conférence des supérieurs religieux. Il souhaite que la Bible de Jérusalem soit traduite en tchèque et participe activement à la tâche comme traducteur – elle sera finalement publiée en 2009. Le dominicain devient également le rédacteur en chef de la revue Salve, consacrée par son Ordre à la théologie, à la vie spirituelle et à la culture.

Ministère épiscopal

Le 6 juin 1998, le Pape Jean-Paul II le nomme 24e évêque résident de Hradec Králové, sa ville natale. En 2004, il est également nommé administrateur apostolique du diocèse de Litoměřice, jusqu'en 2008.

Le 13 février 2010, il est promu archevêque de Prague par Benoît XVI. Grand chancelier de la Faculté de théologie de l'Université Charles de Prague, il a été élu président de la Conférence épiscopale tchèque le 21 avril 2010, fonction qu'il a occupée jusqu'en 2020. À ce titre, il a joué un rôle clé dans la restitution des biens confisqués à l’Église et dans le dialogue public sur la position des institutions catholiques dans la société, alliant une foi forte à un courage civique et une ouverture à la culture et à la science.

Le 23 décembre 2011, il préside les funérailles de l'ancien président tchèque Václav Havel, dans la cathédrale Saint-Guy.

Cardinal en 2012

En 2012, il est créé cardinal par Benoît XVI lors du consistoire du 18 février, avec le titre des saints Marcellin et Pierre. Il en prend possession le 25 novembre suivant. En mars 2013, il participe au conclave qui élit le Pape François. Le Pape argentin en fera son envoyé spécial à plusieurs occasions: à la célébration eucharistique à l'occasion du 1700e anniversaire de la naissance de saint Martin de Tours, en Hongrie en juillet 2017 ; aux célébrations du 1050e anniversaire du premier siège épiscopal sur le sol polonais, à Poznań en juin 2018.

Le jeudi 26 avril 2018, jour de son 75e anniversaire, le cardinal Dominik Duka a remis sa démission au Pape François, pour raison d’âge. François a accepté sa démission mais l’a invité à continuer d'exercer ses fonctions jusqu'à nouvel ordre, c’est-à-dire jusqu’à la nomination de Mgr Jan Graubner, alors archevêque d'Olomouc, en 2022.

En septembre 2023, le Pape lui demande néanmoins de le représenter à la célébration du couronnement de l'image de la Vierge «Santé des malades», vénérée depuis le XVIe siècle dans le sanctuaire polonais de Smolice, dans l’archidiocèse de Poznań.

Dubbia

En juillet 2023, le cardinal Duka pose plusieurs questions au dicastère pour la doctrine de la foi, ses Dubbia, sur l'administration de l'Eucharistie aux divorcés vivant dans une nouvelle union, possibilité ouverte, avec certaines restrictions, par l'exhortation apostolique Amoris laetitia du Pape François. Le 24 octobre de l'année suivante, à Prague, le cardinal a participé à la cérémonie de signature de l'accord entre le Saint-Siège et la République tchèque sur certaines questions juridiques.

Et à la fin du mois de mars dernier, il a accompagné le pèlerinage jubilaire national à Rome. Le 23 août dernier, Léon XIV l'a nommé son envoyé spécial aux célébrations du centenaire de la création de l'archidiocèse polonais de Gdańsk, qui se sont déroulées à la cathédrale d'Oliwa le 14 octobre. En raison de son hospitalisation, le cardinal n'a pas pu être présent. 

Après le décès du cardinal Duka, le collège des cardinaux compte désormais 245 cardinaux, dont 127 électeurs.