2025.11.20  Le père Jean Marie Bodo pretre de l'archidiocèse de Yaoundé au Cameroun 2025.11.20 Le père Jean Marie Bodo pretre de l'archidiocèse de Yaoundé au Cameroun 

Jubilé des chœurs: le père Bodo pour un chant sacré innovant

L’Eglise célèbre les 22 et 23 novembre 2025, le Jubilé des chœurs. Dans un entretien accordé à Radio Vatican, le père Jean Marie Bodo, prêtre de l’archidiocèse de Yaoundé au Cameroun, musicologue et liturgiste, insiste sur la fonction ministérielle des choristes au sein de l’Eglise, ainsi que sur leur rôle dans la participation active et festive des fidèles à la liturgie.

Marie José Muando Buabualo – Cité du Vatican

Le Père Jean Marie Bodo est très engagé dans la liturgie et la musique au sein de l'Église du Cameroun. Dans un entretien qu'il a accordé la semaine dernière lors d'un séjour à Rome, au sujet du Jubilé des chorales qui se tient à Rome les 22 et 23 novembre, il met un accent particulier sur les protagonistes du chant sacré et leur engagement à animer la liturgie au sein de l'Eglise. Qui dit choral dit choristes, fait-il remarquer. Les choristes sont présents à chaque rendez-vous, ils chantent, louent Dieu et font prier. De ce fait , leur trouver un moment dans la célébration du Jubilé de l’Espérance est une occasion de souligner l’importance de leur rôle ministériel dans la liturgie. C'est pour cela, explique le père Bodo, que le Concile Vatican II, dans sa déclaration Sancrosanctum Concilium, a redéfini leur rôle dans la liturgie, donnant à la chorale l’appellation «d’opérateur liturgique» chargé de guider et de soutenir l'assemblée.

Le Concile Vatican II invite à la liturgie participative en langues locales

Dans le document conciliaire, l'Eglise a, pour la première fois, levé l'exclusivité de l'accompagnement musical de la messe en latin, donnant aux langues locales la possibilité d'amener les gens à la prière à travers le chant sacré, renforçant ainsi la participation des choristes dans la liturgie.  Par ailleurs, indique le musicologue camerounais, les premières tentatives de chant en langues vernaculaires ont eu lieu bien avant le concile, notamment la traduction des motets d’inspiration latine, qui consistait à traduire à répéter en plusieurs langues des cantiques tirés du chant grégorien». Sur le continent africain, comme ailleurs, le défi à relever fut d'éviter les dissonances entre les mots à traduire du latin, qui ne suivaient pas nécesseraiment la morphologie des langues locales. Pour surmonter cet obstacle, au Cameroun et dans d’autres pays du continent africain, l'Église avait reçu un indult du Pape qui permettait d'introduire quelques chants en langues locales dans la liturgie, avant même la déclaration du Concile Vatican II.  Soutenus et  encouragés par ces indults, des catéchistes et autres membres de la communauté commencèrent à composer des chants liturgiques en langues locales, qui reçurent un accueil et une participation favorables des fidèles. Le père Bodo indique, par exemple, l'enthousiasme d'une membre de la communauté de Yaoundé qui s’exclama alors: «Dieu est descendu chez nous, Il parle en notre langue». 

S'inspirer de la culture locale sans pour autant perdre la dimension spirituelle de la liturgie

Le père Bodo indique par ailleurs qu’il y a eu - et il y en a encore - plusieurs défis dans ce processus d'inculturation, notamment celle de conserver l'aspect liturgique du chant  sacré, en le préservant de tomber dans une dimension purement folklorique. «Il fallait donner une certaine couleur locale à ce que l'on composait sans pour autant perdre sa dimension spirituelle. C'est à dire que le chant liturgique est là pour faire prier les gens.  Il y a eu l’intégration de la langue locale, puis celle de la musique, et ensuite de la danse. A force de vouloir donner plus d'âme, c'est à dire animer la célébration, on frôle les limites du folklore. Des fois même, le folklore prend le dessus. D'où la nécessité de faire un bon dosage des choses» , affirme l'ecclésiastique. Le moment est donc venu pour les opérateurs et compositeurs des chants en langues locales de «les spiritualiser davantage», selon le musicologue camerounais. «Qu'ils les nettoient, dit-il, de tout ce qui peut emmener à réduire la liturgie à une simple animation folklorique».

Aussi, s’inspirant des écrits du saint Augustin, l'homme du beau, du vrai et du bon, le père Bodo rappelle que «le beau doit partir de la vérité et Christ se présente comme cette vérité». La pensée de l'évêque d'Hippone, qui a marqué la philosophie du chant liturgique, précède celle du Concile Vatican II qui affirme que «le chant doit faire partie intégrante de la liturgie. Le chant liturgique est sacré parce qu’il a réussi à s'intégrer à la liturgie qui,  en elle-même est sacrée», souligne le prêtre camerounais.  A travers la citation du «Doctor Gratiae»: «quand j'entends que la musique prend le dessus sur ce que je suis en train de célébrer, je préfère ne pas l’entendre», le père Bodo rappelle que la sainteté du chant liturgique c’est tout d'abord sa capacité de nous élever, de nous intérioriser et de nous fortifier.

Un discernement dans l’évolution du chant sacré local

«Au sein de l'Église qui est sur le continent africain, nous savons qu’avec le Concile Vatican II, le chant sacré en langue locale a amené beaucoup de gens à vivre leur foi d'une manière profonde. Aujourd'hui, plusieurs années après la première annonce de l'Évangile, on peut dire que l'évolution sera non pas dans la qualité ou bien la quantité de ce qu'on va créer mais, beaucoup plus dans le tamis, parce qu'on a beaucoup créé.» Pour expliquer cette déclaration, le père Jean Marie Bodo évoque la visite du Pape Jean-Paul II au Cameroun, en 1985. Après une messe chantée en langue locale, Jean Paul II s’exprima: «Nous venons d'avoir une messe très priante.» Ensuite, le Pape Benoît XVI qui, lors de son séjour au Cameroun en 2009, déclare: «les chants m'ont fait prier abondamment.» C'est pour dire que cet héritage qui a été développé par les pères conciliaires du Vatican deux, comme Mgr Jean Zoa au Cameroun ou le cardinal Malula en République démocratique du Congo, ont porté leur fruit. Par ailleurs, souligne-t-il, «pour que nous puissions arriver à un niveau élevé, nous devons encourager les jeunes générations au travail de purification». «Que les jeunes intègrent le travail qui a été fait et apportent leur contribution ; qu’ils utilisent aussi les instruments de chez nous : nos tambours, nos tam-tams, nos balafons pour accompagner leur musique;  qu'avec le Jubilé des chorales et des chœurs, ils  approfondissent ce qui a été fait avant et après le Concile Vatican II», conclut le pretre de l’archidiocèse de Yaoundé au Cameroun, spécialiste en liturgie et en musicologie.

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21 novembre 2025, 10:15