Léon XIV passera trois jours au Liban pour soutenir les chrétiens et leur pays
Jean-Charles Putzolu – Cité du Vatican
Attendu dans l’après-midi du dimanche 30 novembre, Léon XIV marchera sur les pas de ses prédécesseurs au Liban et accomplira un voyage que François avait désiré sans pouvoir le réaliser. L’évêque de Rome priera au port de Beyrouth, célèbrera une messe, rencontrera les jeunes et visitera un hôpital. Santé et éducation sont deux pans importants de l’activité de l’Église au Liban et particulièrement touchés par la profonde crise économique qui affecte le pays. Entretien avec Mgr Paul Abdel Sater, archevêque maronite de Beyrouth.
Comment avez-vous préparé les fidèles à la venue du Pape?
Les fidèles au Liban sont déjà prêts pour la visite du Pape Léon XIV, car ils attendaient la visite du Pape François qui n'a pas eu lieu pour les circonstances que nous savons. Et depuis, ils attendaient une visite. Quand ils ont su que le Pape allait venir, cela a relancé les préparatifs au niveau spirituel et en matière de logistique pour les différentes célébrations. Par exemple, dans le diocèse de Beyrouth, beaucoup de volontaires se sont présentés pour aider à la préparation de la grande messe à Beyrouth. D’autres attendent en priant. Ils prient pour que rien n'arrive au Liban, pour qu'ils puissent venir et repartir sains et saufs. Spirituellement, ils sont prêts. Ils le sont depuis les projets de visite du Pape François, et ils le sont plus encore aujourd’hui pour accueillir Léon XIV. Dans nos paroisses, nous avons présenté la première exhortation apostolique concernant les pauvres (Dilexi te, ndlr). L'ambiance est à l'attente, à la joie et à l’espérance.
Quelle a été votre réaction en apprenant que le premier voyage du pontificat de Léon XIV incluait une visite au Liban?
C'est d’une grande importance pour le Liban. Que le Pape choisisse que sa première visite apostolique à l’étranger soit au Liban signifie beaucoup. Cela veut dire en premier lieu que le Liban est dans le cœur et la prière de Sa Sainteté. Deuxièmement, nous qui souffrons depuis plus de 50 ans de guerres et de beaucoup d’autres crises, cela veut dire qu’à Rome, il y a quelqu'un qui nous aime de tout cœur, qui pense à nous tout le temps. Cela apporte chaleur et espérance. C'est un grand signe d'affection de sa part. Cela signifie que nous sommes importants pour l'Église catholique et que nous sommes particulièrement importants pour le Pape.
Vous avez évoqué plusieurs décennies de difficultés. Au fil de ces longues décennies, par périodes successives, on a vu fuir de nombreux chrétiens du Liban. Leur présence aujourd'hui s’est-elle stabilisée, continue-t-elle de diminuer ou entrevoyez-vous quelques signes d'espérance?
Nous, chrétiens, espérons contre toute espérance. Mais notre jeunesse continue de quitter le pays, moins qu’auparavant, mais les jeunes continuent de partir pour la simple raison qu'il n'y a pas une sécurité permanente ici. Ensuite, ils vont chercher du travail ailleurs pour vivre dignement. À cause de la crise économique qui dure depuis 2019, les jeunes ne trouvent pas un emploi qui puisse leur assurer une vie digne, les aider à fonder une famille et continuer à vivre au Liban. Nous, en tant qu'Église et surtout en tant que diocèse, faisons de notre mieux pour être à côté de nos jeunes. Nous essayons de leur assurer autant que possible et selon nos capacités, la possibilité d’un enseignement scolaire et universitaire. Nous essayons de les préparer à envisager un avenir, je dirais plus prospère, mais cela dépend surtout de la communauté internationale. Si la communauté internationale décide à un jour de régler l'affaire du Liban d'une façon finale et définitive, alors peut-être que les jeunes arrêteront de quitter le pays. Cette migration vers l'extérieur n'est pas un phénomène nouveau. À plusieurs reprises, pratiquement depuis 1840, par vagues, les chrétiens et surtout les jeunes ont quitté le Liban pour aller ailleurs et commencer une vie meilleure. Nous faisons notre possible, mais on a besoin aussi de l’aide de la communauté internationale, de son soutien et de ses décisions. Évidemment ici aussi, le gouvernement libanais doit faire sa part.
Vous abordez la question sécuritaire. Ces jours-ci, on assiste à des bombardements israéliens dans le sud du pays. Le Liban craint-il pour son intégrité territoriale? Pourquoi n'arrive-t-on pas à voir un Liban en paix?
Je ne crois pas que l’on puisse trouver un seul Libanais qui ne souhaite pas une paix permanente au Liban et un Liban uni. Je crois que le problème est ailleurs, et pas au sein des Libanais. Malgré la guerre que nous avons vécue entre 1975 et 1990, les Libanais se sont rassemblés et ont continué à vivre ensemble, à travailler ensemble, au sein de mêmes entreprises. Le problème n'est pas totalement intérieur. La communauté internationale doit prendre ses responsabilités face à une quelconque volonté de tel ou tel autre pays à propos du Liban. C'est pourquoi je pense que l'avenir de notre jeunesse, l'avenir même du Liban, ne dépend pas totalement des Libanais. La communauté internationale a un grand rôle à jouer.
L'éducation est un pan important de l’activité de l’Église au Liban. On sait que les écoles, les établissements d'enseignement supérieur, rencontrent de très sérieuses difficultés économiques, et que tout est fait pour continuer d’offrir une éducation aux enfants. Que représentent les écoles catholiques pour l'Église du Liban?
Les écoles catholiques sont la base d'une génération chrétienne engagée, car ce sont dans les écoles catholiques que les jeunes chrétiens sont formés, sont éduqués et qu’ils grandissent. Ces écoles catholiques sont très importantes. Nous espérons aussi que l’enseignement public se développe pour pouvoir accueillir les élèves libanais. Mais parallèlement, nous faisons tout notre possible selon nos capacités pour être auprès des familles et leur permettre de continuer à éduquer leurs enfants dans les écoles catholiques. Nous essayons, malgré la cherté de la vie, malgré la hausse des salaires des enseignants et des employés, de soutenir nos écoles. Par exemple, pour le diocèse maronite de Beyrouth, nous avons quatre écoles secondaires, une école technique et une université. Nous dépensons plusieurs millions de dollars chaque année pour aider les familles à maintenir leurs enfants dans nos écoles.
C'est un miracle que réalise l'Église catholique au Liban…
Nous essayons de réduire nos dépenses au minimum, vraiment au minimum. Notre objectif premier est la personne humaine, son développement spirituel et humain. C'est pourquoi nos dépenses vont vers les écoles en premier lieu. Depuis que je suis arrivé au diocèse en 2019, les crises se succèdent à Beyrouth. Mais malgré cela, nous avons fait le choix de réduire nos dépenses sur d’autres projets pour s'occuper en premier lieu des personnes, les frères et les sœurs de notre diocèse.
Un autre secteur est aussi très important pour le Liban, pour les Libanais, mais aussi pour l'Église. Ce sont les centres de soins. Léon XIV ira visiter l'hôpital de la Croix. Que représente ce centre psychiatrique qui soigne 800 malades, et qui, à cause de la crise, a dû supprimer un tiers de son personnel?
Cet hôpital est un refuge et une oasis d'espérance pour les familles qui y ont des personnes atteintes de graves maladies mentales. C’est un refuge également pour les malades qui sont traités dignement. Ils sont suivis de près et avec beaucoup de charité par les sœurs, par et par toute l'équipe médicale. Mais, la cherté de vie, la crise économique, a contraint les sœurs qui le gèrent à réduire leur personnel. Je crois que la visite de Sa Sainteté à l'hôpital de la Croix signifie beaucoup et sera d’un grand soutien. Cela pourra encourager des personnes à aider cet hôpital pour qu'il puisse continuer son travail et sa mission. Je l'espère.
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