Le 4 novembre, des forces de l'ordre dispersant des manifestants à Dar es Salaam. Le 4 novembre, des forces de l'ordre dispersant des manifestants à Dar es Salaam.  (AFP or licensors)

L’Église œuvre à pacifier la Tanzanie après la répression

Les victimes de la répression des manifestations qui a commencé mercredi dernier, le jour des élections dans le pays de l’Afrique de l’Est, se compteraient par centaines. L’Église demande au gouvernement d'entendre la population, «essentiellement les jeunes qui veulent le changement». Entretien avec le père Kitima, secrétaire général de la Conférence épiscopale.

Federico Piana - Cité du Vatican

«Oui, il y a des centaines de morts. C'est vraiment inhumain». Lors des manifestations qui ont secoué la Tanzanie ces derniers jours, avec des affrontements entre la police et les manifestants contestant le résultat des récentes élections générales, les victimes ne se compteraient pas seulement par dizaines, comme l'avaient estimé certains observateurs internationaux. Elles seraient en réalité beaucoup plus nombreuses. Un véritable carnage.

Communications partielles

Interrogé par les médias du Vatican alors que les autorités rétablissaient les liaisons téléphoniques et internet, le secrétaire général de la Conférence épiscopale se fait écho d’une recommandation sans appel faite à la population, celle d’éviter le partage et la diffusion, en particulier sur les réseaux sociaux, des images susceptibles de susciter l'inquiétude et «d'offenser la vie humaine». Certains ont vu dans cet avertissement une tentative de contenir la dénonciation des opposants à la président sortante réélue, qui accusent les forces de sécurité d'avoir secrètement déversé dans des lieux indéterminés les corps de centaines de personnes tuées lors des manifestations. Des piles de cadavres que quelqu'un aurait pu photographier et pourrait, tôt ou tard, avoir intérêt à faire circuler.

Irrégularités et enlèvements

«Les manifestations de rue qui ont touché tout le pays ont commencé en raison de certaines irrégularités constatées pendant la période électorale. Mais aussi pour dénoncer au monde entier la violation systématique des droits humains fondamentaux par l'enlèvement et l'assassinat de certains hommes politiques et de ceux qui s'opposaient au gouvernement», raconte le père Kitima. Il ne nie pas que les manifestants se soient livrés, dans certains cas, à des abus, des destructions et des pillages, mais il note la disproportion de la réponse, «les forces de l'ordre ont réagi en tirant sur la foule avec des balles réelles, blessant et tuant des personnes».

L'Église mobilisée

L'Église locale n'est certainement pas restée les bras croisés. Dès le début, lorsqu'elle s'est aperçue des irrégularités électorales, elle a organisé des réunions avec certains responsables gouvernementaux pour demander un vote équitable, libre et crédible. «Les évêques ont également appelé à des prières nationales et condamné les disparitions et les enlèvements, la séquestration de politiciens et d'autres représentants des partis d'opposition. La Conférence épiscopale a même écrit des lettres ouvertes pour condamner ces faits et dire au gouvernement qu'il devait s'asseoir à la table des négociations et dialoguer avec les partis politiques d'opposition».

Demande de confrontation

Maintenant que la répression a eu lieu, les évêques ont convoqué la semaine prochaine une réunion ecclésiale urgente afin d'élaborer une stratégie visant à promouvoir une action décisive et pacificatrice.

Lundi, lors de sa prestation de serment sous haute sécurité, la présidente Samia Suluhu Hassan a souhaité dans son discours programmatique pour son deuxième mandat, l’unité et le dialogue. Le père Charles Kitima reste sceptique. «Nous attendons toujours le dialogue. Nous demandons au gouvernement d'écouter véritablement la population, tandis que nous disons à notre peuple que la justice exige que l'on discute également de la vérité: il y a des problèmes qui doivent être résolus et ceux qui les ont causés doivent assumer leurs responsabilités. L'Église cherche une voie de guérison».

Les jeunes en première ligne

Dans les rues ces derniers jours, les principaux protagonistes des manifestations étaient jeunes. Ce sont eux, assure le secrétaire général de la Conférence épiscopale, qui veulent le changement, qui exigent de la politique une implication plus importante et plus concrète, qui voudraient que leur vote compte vraiment, comme le prévoit la Constitution. «La difficulté cependant, c’est qu'ici, les élections libres, équitables et crédibles sont un sérieux problème», note le père Kitima qui donne raison aux jeunes. L’Eglise, explique-t-il, essaie de les aider «en leur proposant un programme spécial d'éducation civique et d'éducation aux droits humains pour l'alphabétisation politique, capable de leur fournir les connaissances et les compétences nécessaires pour exercer leurs droits politiques». Cette sensibilisation à la démocratie, pousse, les jeunes à affirmer «haut et fort» que «la seule institution capable de les défendre est l'Église catholique».

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05 novembre 2025, 16:43