Jean Mestre, laïc, tué par les nazis Jean Mestre, laïc, tué par les nazis 

Les 50 martyrs du nazisme béatifiés à Paris

Le cardinal Hollerich a célébré la messe de béatification en la cathédrale de Paris ce samedi de cinquante martyrs du nazisme. Pour le légat du Pape, ils ont manifesté la présence indéfectible de l’amour et de la miséricorde de Dieu. Selon le père Ardura, postulateur de leur cause, leur histoire doit nous pousser à un zèle apostolique.

Xavier Sartre – Cité du Vatican

Ils sont cinquante, âgés d’une vingtaine d’années pour les plus jeunes, d’une trentaine pour les plus âgés – un seul a dépassé la quarantaine. Ils sont prêtres, séminaristes, scouts, simples laïcs et ont tous pour point commun d’avoir accepté de tout quitter pour apporter un soutien spirituel à leurs frères engagés dans le STO, le service du travail obligatoire, instauré par les autorités de Vichy durant la Seconde Guerre mondiale. Ces Français ont été béatifiés ce samedi en la cathédrale Notre-Dame de Paris lors d’une messe célébrée par le cardinal Jean-Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg, et légat du Pape pour l’occasion.

Ces cinquante martyrs, tués en haine de la foi par les nazis à la fin de la guerre en Allemagne, raconte une page de l’histoire de France peu connue. Quand le régime hitlérien demanda des bras aux autorités françaises de collaboration pour travailler en Allemagne et soutenir l’effort de guerre allemand, Vichy répondit en instaurant le STO. Plusieurs centaines de milliers de jeunes partirent donc outre-Rhin, le plus souvent contraints et forcés. Les catholiques envoyés ainsi en Allemagne ne purent cependant pas bénéficier d’un soutien spirituel, une ordonnance allemande l’interdisant formellement, l’assimilant à une activité terroriste et menaçant la sécurité du IIIe Reich.

Apostolat clandestin

Devant cette situation, le cardinal Suhard, l’archevêque de Paris, encouragea l’envoi non officiel de catholiques ayant pour mission d’assister spirituellement ces travailleurs. «Tous ont été envoyés pour agir clandestinement parce que, à la différence des prisonniers de guerre qui étaient sous la protection, au moins théorique, de la Convention de Genève qui leur permettait d'avoir une assistance religieuse, celle-ci était interdite auprès des jeunes ouvriers français» explique le père Bernard Ardura, le postulateur de la cause en béatification de ces 50 martyrs. «Ils sont partis par amour de leurs frères, avec la pleine conscience que leur vie pouvait être mise en danger» poursuit-il.

L’un d’eux, cité par le cardinal Hollerich dans son homélie, Claude-Colbert Lebeau, responsable JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne, association catholique fondée en Belgique en 1925) affirmait qu’il n’était pas venu travailler pour l’Allemagne nazie, mais pour apporter à ses frères «le secours de la foi en Jésus-Christ». Pour le cardinal, comme pour le postulateur, ils sont ainsi des «martyrs de l’apostolat», ayant porté «un témoignage d’amour», précise l’archevêque de Luxembourg.

L'amour du Christ plus fort que tout

Preuve de l’amour pour le Christ, le plus jeune, Jean Mestre, qui n'avait pas vingt ans, écrivit à sa mère pour expliquer son choix d’avoir répondu à l’appel du STO: «Je t’aime de tout mon cœur, mais j’aime Jésus-Christ encore plus que toi, et je sens qu’il m’appelle pour être son témoin auprès de mes camarades qui vont vivre des moments difficiles». Ces jeunes hommes sont lucides sur ce qui les attend. «Ils avaient pleinement conscience du danger et ils se sont portés volontaires pour faire ce service, voyant ces jeunes Français désemparés parce qu’isolés de tout et ne connaissant pas la langue pour la plupart. Ils ont été des apôtres dans un ministère clandestin» décrit le père Ardura.

Pour le postulateur, «chez tous ces martyrs il y avait le désir de contribuer à la rédemption en donnant leur vie, leur jeunesse, leur intelligence pour le service de l'Évangile». Pour le cardinal Hollerich, «le baptême nous engage à nourrir notre existence et nos multiples activités de cette foi, communion au Christ», ce qu’avait bien compris le jésuite Victor Dillard, le plus âgé des martyrs. Il écrivit peu de temps après son arrestation: «Je m’attendais depuis longtemps à cette arrestation, elle est naturelle. Elle m’est arrivée le dimanche du Bon Pasteur, où il est dit que le Bon Pasteur doit donner sa vie pour ses brebis. Cela tombait à pic. Je voudrais bien que cela vous fasse comprendre combien notre religion doit être prise au sérieux et combien il faut la vivre».

Dans le contexte actuel, «80 ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, cette béatification, évidemment, devrait réveiller en nous ce zèle apostolique qui a été celui qui a caractérisé tous ces jeunes», considère le père Ardura. Le cardinal Hollerich estime quant à lui que «cette béatification nous invite à regarder le présent et à préparer l’avenir» car «nous ne sommes à l’abri ni de la guerre, ni de la violence». Pour l’archevêque de Luxembourg, «l’amour de nos martyrs pour le Christ et pour les hommes a fait d’eux des martyrs pour la liberté religieuse». Cette dimension est due au fait que les nazis méprisaient cette liberté fondamentale et c’est peut-être, pense-t-il, un des aspects les plus importants pour l’avenir de l’Église en Europe. D’où son appel aux jeunes de France et d’Europe à s’engager pour le bien de leurs frères et sœurs.

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13 décembre 2025, 16:00