À Beyrouth, l’hôpital de la Croix attend la visite du Pape Léon XIV

Mardi matin 2 décembre, le Successeur de Pierre rendra visite au personnel soignant de l’hôpital de la Croix, situé en périphérie de la capitale libanaise, une institution renommée dans tout le Proche-Orient. Le Pape visitera en privé des malades atteints de profonds troubles psychiatriques.

Jean-Charles Putzolu – Envoyé spécial à Beyrouth, Liban

L’hôpital de la Croix est situé en proche banlieue de Beyrouth, à Jal el Dib, sur les hauteurs de la capitale libanaise. Il domine la ville et offre une vue imprenable sur la baie. C’est aujourd’hui le plus grand hôpital psychiatrique du Proche-Orient, et fut le premier créé à Beyrouth, par le père Jacques El Haddad, en 1919. Celui que tout le monde appelle ici "Abouna Yaacoub" a été déclaré vénérable par saint Jean-Paul II et proclamé bienheureux par Benoît XVI. «Je vais demander au Pape Léon XIV de le canoniser», sourit sœur Rose Hanna, la directrice de l’établissement. Très occupée à la préparation de la venue du Pape, la religieuse consacre un peu de son temps à la presse, qui depuis quelques jours, multiplie les demandes pour visiter l’hôpital.

800 patients hospitalisés

La structure a une capacité de 1 000 lits, son nombre de patients oscille généralement autour de 800, répartis en trois catégories. Il y a tout d’abord les malades chroniques, distribuées en deux segments distincts, hommes et femmes. Ceux-ci vivent dans l’hôpital. Parmi eux, une catégorie se détache, ce sont «les enfants du pavillon saint Dominique». C’est ainsi que sœur Rose les appelle. Beaucoup sont adultes, mais leur âge mental est estimé entre 5 et 7 ans. Vient ensuite le centre de soins temporaires qui accueille parmi ses patients des toxicomanes et des personnes atteintes de dépression profonde. 

Les enfants de saint Dominique

Léon XIV visitera les 58 «enfants» du pavillon Saint-Dominique, légèrement en contrebas de la structure principale. Il sera accueilli par un petit nombre de patients avant de prendre l’ascenseur et descendre cinq étages plus bas, accompagné par sœur Rose. Passé un couloir, il traversera une grille pour rencontrer les enfants malades atteints de graves troubles psychiatriques. Quelques-uns sont en fauteuil; d’autres déambulent librement d’une pièce à l’autre, tandis que d’autres encore sont allongés sur des matelas à-même le sol. Il y a du bruit, ils parlent, crient, tiennent à saluer leurs visiteurs, s’approchent et nous serrent dans leurs bras ou nous donnent la main.

L’hôpital de la Croix, sur les hauteurs de Beyrouth.
L’hôpital de la Croix, sur les hauteurs de Beyrouth.   (@VaticanNews)

Léon XIV leur rendra visite seul, sans journalistes, pour se plonger dans l’intimité de ces personnes vulnérables, qui sont 25 à ne plus avoir de famille pouvant s’occuper d’eux. «Ils sont marginalisés par la société», explique sœur Rose. Leur maladie mentale est «un tabou» faisant de ces personnes des oubliés parmi les oubliés. L’attention du Pape Léon XIV pour ces patients est d’ores déjà annoncée comme un geste fort, perçue comme l’expression de la proximité de l’Église, de la personne du Pape, et une caresse de l’amour du Christ. «Sa visite nous soutiendra, nous fera sentir moins seuls, nous fera sentir tous membres de la même Église», confie sœur Rose. «Pour l’hôpital, c’est un message clair: c’est un témoignage contre la stigmatisation de ces malades. Le Pape vient nous montrer qu’ils sont au cœur de l’Église».

Le premier hôpital psychiatrique

Les religieuses franciscaines de la Croix qui ont la responsabilité de l’établissement aiment à rappeler que l’hôpital fondé par l’ermite maronite, le bienheureux Abouna Yaacoub, a été officiellement reconnu comme hôpital psychiatrique par l’État libanais en 1951. C’est un fleuron de la psychiatrie pour toute la région, sa réputation a largement dépassé les frontières du Liban. Il n’est en revanche pas exempt de difficultés. La fragilité économique du pays a fait basculer le centre hospitalier dans une grande précarité. Si aujourd’hui la survie de l’hôpital à court terme n’est pas menacée, ce n’était pas le cas en 2019 au pire de la crise économique. «Soigner un malade coûte en moyenne 78 dollars par jour. Or le gouvernement, lorsqu’il s’est retrouvé à court de liquidités, ne donnait plus que 2 dollars», détaillent la directrice et la responsable financière de l’hôpital. «Aujourd’hui, l’État a revu cette subvention à la hausse et donne 15 dollars par jour et par malade», ajoutent-elles. Cela reste largement insuffisant.

Devant l’hôpital , le portrait D'Abouna Yaacoub, son fondateur, avec le Pape.
Devant l’hôpital , le portrait D'Abouna Yaacoub, son fondateur, avec le Pape.   (@VaticanNews)

Pour combler ce manque à gagner, les franciscaines multiplient les appels auprès de fondations et d’organisations caritatives. Chaque organisation soutient un ou plusieurs projets. Aide à l’Église en détresse (AED) par exemple offre une aide financière pour l’achat de médicaments. L’Œuvre d’Orient ou encore l’allemande Misereor soutiennent d’autres projets. Mais il manque encore des fonds pour l’entretien des bâtiments. Certaines vitres qui ont volé en éclat le soir de l’explosion au port de Beyrouth, que l’on aperçoit au loin depuis les terrasses, n’ont toujours pas été remplacées. Le pavillon Saint-Dominique a été repeint. À l’annonce de la venue du Souverain pontife, des donateurs ont soutenu un projet de restructuration qui le rend aujourd’hui plus propre, offrant un cadre plus digne à ses hôtes. Mais l’hiver arrive et il n’y aura pas de chauffage, faute de moyens.

Le manque de personnel

Depuis 2019, l’hôpital a perdu environ un tiers de son personnel. «Ils n’ont pas été licenciés», s’empresse de souligner sœur Rose Hanna, «ils ont trouvé un travail ailleurs, à l’étranger, mieux rémunéré». Le problème, c’est que l’hôpital, même en disposant des fonds suffisants, ne parvient pas facilement à recruter, explique-t-elle. Les salaires ne sont pas attractifs et «il est difficile de travailler avec des personnes souffrant de profonds troubles mentaux», reconnait sœur Rose, admettant que le travail spécifique de ce type de personnel soignant est «une vocation».  

Vue aérienne de l’hôpital de la Croix.
Vue aérienne de l’hôpital de la Croix.

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30 novembre 2025, 08:41