Une image satellite montre l'étendue des dégâts après le passage du cyclone Chido à Mamoudzou (Mayotte). Une image satellite montre l'étendue des dégâts après le passage du cyclone Chido à Mamoudzou (Mayotte). 

L'archipel de Mayotte, entre reconstruction, traumatisme et espérance

Un an après le passage dévastateur du cyclone Chido, Mayotte panse encore ses plaies. Derrière une vie quotidienne qui semble avoir repris son cours normal, la lente reconstruction, la peur, les traumatismes et les difficultés structurelles persistent. Face à cette réalité, la résilience des Mahorais, la solidarité collective et les projets en cours dessinent néanmoins des «perspectives d’espoir pour l’archipel», explique Anna Lachaume, présidente du Secours Catholique de Mayotte.

Augustine Asta – Cité du Vatican

Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido ravageait Mayotte, en touchant le nord de l’archipel. Un an après, l’émotion reste vive et les cicatrices sont encore bien visibles. La quasi-totalité des communes ont été touchées par les effets du cyclone soit 70% de la population. Les vents à plus de 200 km/h et le déluge ont causé au moins 40 morts et 41 disparus, selon le bilan officiel, mais aussi des milliers de sans-abri, ainsi que des centaines de millions d’euros de dégâts.

La lente reconstruction

À Mayotte, 12 mois après ce violent cyclone, «il y a plusieurs niveaux de réalité» notamment pour les habitants des «bangas», ces maisons en tôle qui constituent une grande partie de l’habitat des bidonvilles mahorais, explique Anna Lachaume. Paradoxalement, ces logements précaires ont été reconstruits très rapidement. «La quasi-totalité des bangas ont été rebâtis quelques jours seulement après le cyclone. Les habitants ont retrouvé un toit, même si les conditions restent très difficiles, souvent sans eau ni électricité.», affirme-t-elle.

À l’inverse, les maisons en dur ont mis beaucoup plus de temps à être réparées. Refaire un toit solide nécessite du matériel, de la main-d’œuvre qualifiée et des démarches administratives, notamment auprès des assurances. «Aujourd’hui encore, certaines familles vivant dans des maisons en dur restent exposées aux intempéries, ce qui est très inquiétant surtout en ce début de la saison des pluies et de la saison cyclonique.», détaille la présidente du Secours Catholique.

Un traumatisme toujours présent

Habituellement «protégée par Madagascar des cyclones de l’océan Indien, Mayotte n’avait pas l’habitude de vivre de tels événements», déclare Anna Lachaume. «Les Mahorais n’avaient pas peur des cyclones», note-elle. Mais Chido a tout changé. Sa violence inattendue a profondément marqué la population. On parle de stress post-traumatique: angoisses, troubles du sommeil, peurs persistantes. Malheureusement, les structures d’accompagnement psychologique sont insuffisantes dans ce département français. Des lignes d’écoute et des initiatives associatives ont vu le jour après le cyclone, mais «ce n’est pas assez face à l’ampleur de la souffrance psychique», précise Anna Lachaume.

De vieux problèmes

Le cyclone a également mis en lumière des difficultés structurelles bien antérieures. La question du logement à Mayotte est centrale. «Il faudrait aujourd’hui environ 20 000 logements supplémentaires, alors qu’on en construit à peine 1 000 par an, et c’est déjà le maximum de nos capacités actuelles», explique encore la présidente du Secours catholique. Par ailleurs l’accès au foncier, la disponibilité des entreprises de bâtiment et des matériaux limitent fortement la reconstruction. Après le cyclone, la pénurie de matériaux a encore accentué ces difficultés. «Construire un lotissement prend des mois, voire des années, alors qu’un banga peut être reconstruit en quelques jours», fait remarquer Anna Lachaume. D’où l’échec, pour l’instant, de l’idée largement partagée de remplacer les bidonvilles par des immeubles en dur.

Une mobilisation collective et une solidarité forte

Ces dernières semaines, de nombreuses commémorations ont eu lieu à Mayotte. Elles rendent hommage à tous ceux qui se sont mobilisés après le cyclone: pompiers, soignants, forces de l’ordre, associations, administrations et simples citoyens. «Tout le monde a mis la main à la pâte. Ces moments permettent aussi de partager les souvenirs, les émotions et de se rappeler que cette épreuve a été traversée ensemble.», affirme-t-elle.

Dans ce contexte, l’Église catholique, bien que très minoritaire sur une île à 98 % musulmane, a joué son rôle. «Nous sommes une toute petite communauté, entre 5 00 et 1 000 personnes, mais nous avons fait de notre mieux», confie-t-elle. Distributions alimentaires, vêtements, entraide entre paroissiens de différentes origines —métropolitains, Congolais réfugiés, Malgaches— et permanences d’écoute ont été ouvertes à tous, sans distinction.

Anna Lachaume, présidente du Secours Catholique de Mayotte.

Le rôle clé du Secours catholique

Le Secours catholique a récolté 1,1 million d’euros après le cyclone. La moitié de cette somme a été consacrée à la relance de l’agriculture vivrière, essentielle à l’autonomie alimentaire des familles. «À Mayotte, chaque maison a son jardin, avec des arbres et des cultures qui font vivre la famille et le voisinage.», indique-t-elle. Replanter, fournir des semences et rouvrir l’accès aux parcelles était donc une priorité, à la fois sociale et écologique. Environ 350 000 euros ont également été distribués sous forme de bons d’achat, permettant aux familles de se rééquiper en produits de première nécessité: matelas, gazinières, électroménager ou nourriture.

Des raisons d’espérer

Malgré les épreuves, «les habitants font preuve d’une grande résilience, d’humilité et de simplicité. Beaucoup, insiste Anna Lachaume, s’en remettent à Dieu, dans les bons comme dans les mauvais moments.». «La solidarité observée après le cyclone, la volonté d’agir pour le bien commun et l’attachement profond à l’île nourrissent l’espoir», poursuit-elle. Aussi, détaille la présidente du Secours catholique, les habitants de Mayotte attendent avec impatience la fin des projets qui sont en cours et qui pourront «vraiment changer leur vie, comme la construction d'un nouvel aéroport, d'un nouvel hôpital, mais aussi la fin des travaux qui permettront à l'île de subvenir aux besoins en eau de toute la population». «La fin des coupures d’eau serait un immense soulagement pour toute la population», conclut-elle.

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

18 décembre 2025, 14:43