Le Pape avec les membres du Conseil d'administration de l'ECA (Ending Clergy Abuse) le 20 octobre 2025. Le Pape avec les membres du Conseil d'administration de l'ECA (Ending Clergy Abuse) le 20 octobre 2025.   (@VATICAN MEDIA)

Un collectif de victimes d’abus reçu par le Pape: «Nous avons été écoutés et soutenus»

Le Pape a reçu au Vatican ce lundi 20 octobre six membres du conseil d'administration de l'ECA Global (Ending Clergy Abuse), une association internationale de défense des droits humains qui milite pour un soutien accru et des indemnisations pour les victimes d'abus, ainsi qu'un engagement et une collaboration plus importants de la part de l'Église catholique.

Salvatore Cernuzio – Cité du Vatican

Tout est parti d'une lettre, qui s'est transformée en rencontre au Palais apostolique. La première de Léon XIV, depuis son élection au trône de Pierre, avec un groupe de victimes d'abus et de militants qui luttent contre ce que les derniers papes ont qualifié de «fléau». Léon XIV a reçu ce lundi matin six membres du conseil d'administration de l'ECA Global, Ending Clergy Abuse, une association de défense des droits humains dont les membres, provenant de plus de trente pays sur six continents, comptent des victimes mais aussi des activistes qui militent contre les abus sexuels commis par des représentants de l'Église catholique. Le réseau, principalement actif aux États-Unis, s'engage depuis sa création en 2018 à faire en sorte que l'Église catholique suive les recommandations de 2014 des Nations unies en faveur d'une politique de «tolérance zéro». Et l'audience de ce 20 octobre avec le Pape Léon XIV -ont affirmé les membres de l'ECA- marque certainement «une étape historique et pleine d'espoir vers une plus grande coopération».

Ces mots ont été consignés par l'organisation dans une déclaration, puis rapportés lors d'une conférence de presse organisée dans un hôtel aux abords du Vatican, par les six participants à la rencontre avec le Souverain pontife. Il s'agit de Gemma Hickey (Canada), Timothy Law (États-Unis), Evelyn Korkmaz (Canada, Première Nation), Matthias Katsch (Allemagne), Janet Aguti (Ouganda) et Pedro Salinas (Pérou). Tous sont issus de contextes et de cultures différents mais partagent le même objectif: que les abus ne se reproduisent plus et qu'une collaboration plus efficace avec l'Église soit mise en place.

Accueil et écoute

Les six membres de l'ECA ont tous exprimé leur satisfaction quant à l'audience avec Léon XIV, soulignant son attitude, son approche, sa capacité d'écoute. «Le Pape Léon XIV a été très ouvert et chacun d'entre nous a partagé quelques réflexions personnelles. Il a été très chaleureux. Il nous a écoutés... Il a aussi un bon sens de l'humour. Il est vraiment humble», a détaillé Gemma Hickey, victime d'abus à Terre-Neuve-et-Labrador (Canada) par un prêtre, mis en retrait dans un premier temps, avant d'être muté dans deux paroisses. Ils ont lu une déclaration au Pape afin de commencer l'audience «l'esprit ouvert» et ont également présenté leur projet «Initiative Tolérance zéro», soulignant «l'importance de normes mondiales cohérentes et de politiques centrées sur les victimes». Au cours de l'audience, il a également été question du travail accompli par la Commission pontificale pour la protection des mineurs qui, la semaine dernière, a présenté son deuxième rapport annuel. Et le Pape a suggéré un «dialogue» entre les deux entités.

«Ce fut une conversation profondément significative. Elle reflète un engagement commun en faveur de la justice, de la guérison et d'un véritable changement», a déclaré Gemma Hickey. «Les survivants ont longtemps cherché à obtenir une place à la table des négociations et aujourd'hui, nous nous sommes sentis écoutés».

L'audience du Pape avec les membres de l'Eca Global.
L'audience du Pape avec les membres de l'Eca Global.   (@VATICAN MEDIA)

Un dialogue direct et respectueux

La rencontre de ce lundi fait suite à une lettre que l'ECA avait envoyée au nouveau Pape. Inspirés par les paroles depuis la loggia des bénédictions du cardinal Prevost le jour de son élection, les membres de l'organisation se sont présentés «comme des bâtisseurs de ponts, prêts à marcher ensemble vers la vérité, la justice et la guérison». Et en ces temps si «polarisés», ont-ils écrit, «l'acte le plus radical que nous puissions faire en ce moment est de nous asseoir et de parler». Le Pape a répondu «positivement» à la lettre et, dans un «geste d'ouverture», a accueilli l'opportunité d'un «dialogue direct et respectueux sur la voie à suivre». D'où le rendez-vous privé au Palais apostolique, qui a duré environ une heure, riche en témoignages et en propositions. «Nous sommes venus non seulement pour exprimer nos préoccupations, mais aussi pour évaluer comment nous pourrions collaborer afin de garantir la protection des enfants et des adultes vulnérables dans le monde entier», a déclaré Janet Aguti, d'Ouganda, vice-présidente du conseil d'administration de l'ECA.

Pas de «colère», a précisé Gemma Hickey, mais seulement «l'espoir» d'une prise de responsabilité et d'un changement durable: «Nous croyons en la dignité intrinsèque de chaque enfant et adulte vulnérable, dans le courage de chaque survivant et dans la responsabilité morale de l'Église d'agir avec transparence et compassion. Notre mission est de soutenir ceux qui ont subi des préjudices en soutenant des réformes qui protègent les plus faible, et de contribuer à restaurer la confiance et l'intégrité dans cette institution dont nous savons qu'elle a la capacité de faire de grandes choses».

Volonté de travailler ensemble

L'objectif, a renchéri Tim Law, co-fondateur et membre du conseil d'administration d'ECA aux États-Unis, «n'est pas la confrontation, mais plutôt la responsabilité, la transparence et la volonté de travailler ensemble pour trouver des solutions». C’est important pour des personnes qui, souvent, comme elles le racontent, ont demandé de l'aide et n’ont pas été entendues. «En tant que survivante d'une école résidentielle, je porte le poids du traumatisme intergénérationnel causé par des institutions qui auraient dû nous protéger. La rencontre d'aujourd'hui est un pas de plus vers la vérité et la réconciliation», a souligné la canadienne Evelyn Korkmaz.

Matthias Katsch, d'Allemagne, a quant à lui expliqué qu'il avait été demandé au Pape d'offrir «de l'espoir», qui passe par les mots «justice», «réparation» et «meilleure protection pour les enfants et les adultes vulnérables». Aujourd'hui, a-t-il ajouté, «il ne suffit plus que les survivants parlent», mais «il est nécessaire que la société écoute».

Outre l'Église, toute la société, y compris italienne, doit être disposée à écouter et à tirer les conséquences de ce que rapportent les survivants. Francesco Zanardi, membre de l'ECA et de l'association Rete L'Abuso, est également intervenu devant la presse, et a annoncé un prochain rapport sur les cas d'abus et de pédophilie commis par le clergé en Italie. L'organisation a conclu la réunion en «soulignant le besoin urgent d'un dialogue continu, de compassion et de collaboration pour construire un avenir où la sécurité, la responsabilité et la dignité ne sont pas seulement défendues, mais où les voix des survivants servent d'exemple».

Le Pape avec Pedro Salinas.
Le Pape avec Pedro Salinas.   (@VATICAN MEDIA)

Deux livres en cadeau

À la fin de la rencontre, le journaliste péruvien Pedro Salinas a remis au Pape son livre «La verdad nos hizo libres» (La vérité nous a rendus libres), qui traite de l'affaire du mouvement religieux Sodalicio, né au Pérou dans les années 70, qui s'est étendu à toute l'Amérique latine et a été dissout début 2025 par le Pape François. Victime lui-même d'abus au sein du mouvement, Pedro Salinas, avec sa collègue Paola Ugaz, a révélé dans un livre-enquête toute l'affaire des abus au sein du Sodalicio. Une affaire bien connue du Pape Léon XIV dans ce Pérou où il a passé plus de vingt ans, d'abord comme missionnaire augustinien, puis comme évêque.

Matthias Katsch a également remis un livre, intitulé «Damit es aufhört» (Pour que cela cesse), qui décrit le scandale des abus et les développements qui ont suivi à partir de 2010 en Allemagne, entremêlés avec son histoire personnelle. En marge de la conférence de presse, répondant aux questions de Vatican News, Matthias Katsch a expliqué que «ce n'était pas seulement la première rencontre avec le Pape Léon XIV, c'était la toute première rencontre d’un Pape, non pas avec des victimes individuelles d'abus, mais avec une organisation de victimes. Il s'agit d'un saut qualitatif».

 

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20 octobre 2025, 17:57