À Istanbul, le Pape salue «le témoignage chrétien du peuple arménien»
Delphine Allaire - Cité du Vatican
Accueilli par Sahak II, élu 85e patriarche arménien de Constantinople en décembre 2019, le Souverain pontife a d’emblée «remercié Dieu pour le courageux témoignage chrétien du peuple arménien au cours des siècles», «souvent lors de circonstances tragiques».
La communion n'est «ni absorption ni domination»
Devant 300 fidèles présents à l'intérieur de la cathédrale, l’évêque de Rome a salué «les liens fraternels étroits» unissant l’Église apostolique arménienne à l’Église catholique. Peu après le Concile Vatican II, en mai 1967, le Catholicos Khoren Ier a été le premier primat d’une Église orthodoxe orientale à rendre visite au Pape et à échanger avec lui le baiser de paix. Léon XIV a noté un second jalon, la première déclaration conjointe entre un Pape et un Patriarche orthodoxe oriental, en mai 1970, entre Paul VI et Vasken Ier.
«Depuis lors, par la grâce de Dieu, le “dialogue de la charité” a fleuri entre nos Églises», a-t-il relevé, s’inscrivant dans cette lignée par cette visite à l’occasion du 1700e anniversaire du premier Concile œcuménique de Nicée. Et le Pape de répéter son désir d’unité: «Nous devons également nous inspirer de l’expérience de l’Église naissante pour rétablir la pleine communion, une communion qui n’implique ni absorption ni domination, mais plutôt un échange des dons que nos Églises ont reçus de l’Esprit Saint».
Sur ce chemin vers l’unité, le Souverain pontife a donné en exemple un saint de la tradition arménienne, le grand Catholicos et poète du XIIe siècle Nersès IV Shnorhali. Ce théologien avait œuvré à la pleine recomposition de l'unité sacramentelle et doctrinale entre l'Église de Rome, l'Église arménienne et l'Église de Constantinople.
«Les Papes ont soutenu les communautés chrétiennes en danger»
Précédant la salutation du Pape, le patriarche Sahak II a exprimé son profond respect pour le ministère pétrinien confié à Léon XIV. «Nous vous accueillons aujourd'hui non seulement comme un invité d'honneur, mais aussi comme un frère et un compagnon gardien de la foi nicéenne», a déclaré le patriarche arménien. «Le peuple arménien n'oublie pas les Papes qui ont élevé leur voix en ces temps de souffrance, qui ont soutenu les communautés chrétiennes en danger et qui ont défendu la vérité alors que le monde hésitait», a-t-il ajouté, prônant l’unité comme condition existentielle et essentielle face aux difficultés.
«La communauté arménienne de Turquie est petite mais résiliente. En tant qu'enfants fidèles de l'ancienne Église arménienne, nous sommes des citoyens loyaux de ce pays, jouissant de la liberté religieuse et du soutien de l'État en tant que minorité bien traitée. Votre présence aujourd'hui est un geste profond de cette solidarité», a poursuivi le patriarche, confiant leurs prières pour assurer la sécurité des chrétiens d’Orient persécutés.
L'échange de dons
Le patriarche a offert un calice, «petit mais symbolique», tandis que le Pape a donné un tableau en mosaïque inspiré des croix de style byzantin, dites «grecques» en raison de leurs quatre branches de longueur égale. Les couleurs choisies ont une valeur symbolique précise: le vert évoque le Saint-Esprit, le rouge la dimension divine, le bleu l'élément terrestre. L’œuvre a été réalisée par l'atelier de la Mosaïque vaticane; les tesselles dorées ont été obtenues selon la technique de la mosaïque classique, coupées à la main à l'aide d'un marteau et d'un coupe-mosaïque. Elles ont été fixées sur une base métallique à l'aide d'un stuc à base d'huile de lin, dont la recette, datant du XVIe siècle, a également été utilisée pour les mosaïques de la basilique Saint-Pierre. Le Pape a ensuite béni une plaque commémorative.
Constantinople, l'un des quatre sièges patriarcaux arméniens
Le patriarcat arménien a été établi à Constantinople en 1461 par le Sultan Mehmed II, huit ans après la conquête de cette ville. Avec le traité de Lausanne (1923), la Turquie moderne a accepté son existence, tout en limitant ses fonctions au domaine strictement religieux, conformément au principe de laïcité. Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI et François ont visité le siège du Patriarcat arménien d’Istanbul. Celui-ci exerce sa juridiction sur la petite minorité arménienne qui subsiste en Turquie, soit 50 à 80 000 fidèles qui vivent essentiellement à Istanbul autour de 35 églises et de nombreuses écoles. Constantinople fait partie des quatre sièges patriarcaux de l'Église apostolique arménienne, aux côtés du catholicosat d'Etchmiadzin (le siège principal), du patriarcat de Jérusalem et du catholicosat de Cilicie.
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