Au port de Beyrouth, la prière silencieuse du Pape
Olivier Bonnel - Avec Isabella de Carvalho et Salvarore Cernuzio à Beyrouth
C’est un bref moment silencieux mais plein de symboles: celui d’un Pape venu se recueillir sur le port de Beyrouth, une plaie toujours ouverte pour des milliers de Libanais, plus de cinq ans après le drame. Plus de 200 personnes y ont laissé la vie, 7 000 ont été blessées et 300 000 d’entre eux ont perdu leur maison. Certains n’ont d’ailleurs toujours pas regagné leur domicile, situé non loin des silos encore éventrés.
Plusieurs familles de victimes sont venues ce mardi matin avec le portrait de leur proche, comme Noha Abdou, qui tient une photo de son neveu Jacques Baramachian. «Il vivait là-bas dans l’immeuble blanc, face au port», explique-t-elle très émue. «Nous voulons la vérité, savoir qui est responsable». Après des années d’enquête, personne n’a encore été incriminé par la justice pour l’explosion. En février dernier, après des mois de blocage, l’enquête menée par le juge Tarek Bitar a pu reprendre.
«Le Vatican considère notre souffrance»
«Mon père Ghassan travaillait ici aux silos quand il est mort pendant l’explosion», explique Tatiana Hasrouty, également présente ce mardi matin «tout le batiment s’est effondré». Comme toutes les familles de victimes, Tatiana se réjouit que Léon XIV vienne prier sur le port. «Je crois que le Pape peut nous apporter un message de résilience» souligne cette jeune avocate de 24 ans, venue l’an dernier au Vatican rencontrer le Pape François.
«Il nous avait montré qu’il ne nous oubliait pas» précise-t-elle. «Avec cette visite du Pape Léon, on sait que le Vatican nous considère et ressent notre souffrance». Qu’ils soient chrétiens, musulmans ou druzes, tous les Libanais ont été unis par ce même drame. «Venir prier ici sur le lieu où tant de personnes sont mortes nous donne un message d’espérance» poursuit Tatiana. «C’est le message le plus important qu’ils nous donne, celui de rester uni, en prière, et dans l’espoir de trouver la vérité».
Le besoin de justice
Également présents parmi les familles des victimes, Cécile Roukoz, qui a perdu son frère Joseph. «Il travaillait à l’intérieur du port» explique-t-elle sobrement. «Nous sommes très reconnaissants pour cette visite du Pape, car il souhaite prier pour les âmes de nos martyrs et de nos victimes» commente-t-elle. «Nous savons que cela lui tient très à cœur et qu'il a élevé la voix pour demander justice».
Dans l’explosion du port, aucune génération n'a été épargnée. Nada Abdelsater, membre de la Beyrouth Foundation, société philantropique libanaise, et avocate anti-corruption, est venue avec le portrait d’Isaac, mort à deux ans seulement et dont les parents australiens n’ont pu faire le déplacement. Ils étaient de passage à Beyrouth le 4 août, quand le bébé a été fauché. «Ils m’ont expressément demandé d'être ici afin que l'âme d'Isaac et sa famille puissent recevoir la bénédiction du Pape Léon» explique-t-elle.
À son arrivée sur le port, le Pape, accompagné du Premier ministre libanais Nawaf Salam, s’est recueilli devant la stèle commémorative de l'explosion, au pied de laquelle une couronne rouge de fleurs à son nom à été déposée. Le Pape a ensuite allumé une bougie, avant de saluer les proches des victimes, très émus. Quelques minutes plus tard, Léon XIV se dirigeait non loin de là, sur le front de mer, pour aller célébrer la messe, dernier temps fort de ce voyage apostolique au Liban.
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