Le Pape Léon XIV et sœur Tiziana Merletti, secrétaire du dicastère pour les Instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, le 22 septembre 2025. Le Pape Léon XIV et sœur Tiziana Merletti, secrétaire du dicastère pour les Instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, le 22 septembre 2025.  

Instituts de vie consacrée, un dicastère en chemin synodal vers l'espérance et la paix

Entretien avec la secrétaire du dicastère pour les Instituts de vie consacrée et les sociétés apostoliques, sœur Tiziana Merletti, nommée à cette fonction par le Pape Léon XIV le 22 mai dernier. «La participation des femmes à l'exercice de la responsabilité au sein de l'Église est de plus en plus importante», témoigne la religieuse italienne. À l’approche du Jubilé de la vie consacrée en octobre prochain, elle évoque la lutte contre les abus, la synodalité et les défis d'un monde globalisé.

Isabella Piro - Cité du Vatican

Avec surprise, crainte, mais aussi grande espérance avant un tel changement. Ce sont quelques uns des sentiments avec lesquels sœur Tiziana Merletti a accueilli, le 22 mai dernier, sa nomination par Léon XIV au poste de secrétaire du dicastère pour les Instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique. Il s'agissait de la première nomination du nouveau Pape, peu après son élection, à un poste de responsabilité au sein de la Curie romaine. Dans cette interview accordée aux médias du Saint-Siège, la religieuse des sœurs franciscaines des pauvres confie ses émotions de ce jour-là, ainsi que les perspectives et les défis que représente sa nouvelle fonction.

Comment avez-vous accueilli la nomination de Léon XIV?

Cette nomination m'a surprise et inquiétée. Comme le Pape l'a récemment dit aux nouveaux évêques, j'avais moi aussi mes projets et de belles perspectives, étant tout juste arrivée à Assise; alors, l'idée de devoir tout quitter et recommencer à zéro dans un service aussi important et délicat m'a surprise et prise au dépourvu. Puis, à travers la prière et la confrontation avec ma ministre congrégationnelle, la lumière est venue pour dire oui au nouvel appel de Dieu et de l'Église, reconnaissante pour tant de confiance. Pour ce qui m'attend, je fais confiance au Saint-Esprit, qui ne manquera pas de me guider; je suis convaincue que je ne suis pas seule, car il y a une belle équipe au sein du dicastère qui travaille avec toute son énergie. Je fais également confiance à mon parcours personnel, car à d'autres étapes de ma vie, j'ai déjà fait l'expérience de me sentir guidée avec sagesse pour adhérer à la volonté de Dieu.

 

Le dicastère pour les Instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique a pour préfète une autre religieuse, sœur Simona Brambilla. Cela met-il en évidence «une responsabilité charismatique» des femmes et en particulier des religieuses dans l'Église?

Je me rends compte que la structure de notre dicastère est une nouveauté absolue au sein de la Curie romaine. Une préfète religieuse, un pro-préfet cardinal [le salésien Ángel Fernández Artime, ndlr], une secrétaire religieuse. Ce qui me frappe le plus, c'est l'opportunité de mettre en œuvre le style synodal non seulement dans les principes, mais aussi dans la pratique quotidienne; dans la manière de construire des relations entre nous, de partager nos compétences, d'organiser le travail, de traiter avec respect, dignité et justice les questions qui nous sont soumises et les collaborations dans lesquelles nous nous engageons en première ligne.

J'aime à penser que ce nouveau style est aussi un fruit remarquable et prometteur de la participation toujours plus importante des femmes à l'exercice de la responsabilité au sein de l'Église. C'est l'Évangile lui-même qui nous appelle à mettre en œuvre nos talents, les dons reçus de Dieu. Peu importe que l'on soit un homme ou une femme: dès mon éducation familiale, j'ai appris que ce qui compte, c'est l'engagement, le sacrifice, la constance et aussi la joie de servir. Bien sûr, lorsque tout cela s'accompagne de reconnaissances à différents niveaux, cela envoie un message fort qui atteste que, en tant qu'Église, nous sommes sur la bonne voie.

En 1986, vous avez prononcé vos premiers vœux religieux dans l'Institut dont vous avez également été supérieure générale de 2004 à 2013. Qu'est-ce qui vous a attirée?

L'appel à embrasser le charisme de la bienheureuse Françoise Schervier s'est fait progressivement. À vingt ans, mes projets étaient assez clairs et m'orientaient dans une autre direction, jusqu'à ce que je découvre la beauté de donner sa vie pour suivre Jésus de manière radicale, en tout abandonnant. La rencontre avec les sœurs franciscaines des pauvres m'a permis d'approfondir le charisme franciscain de la «sainte unité et de la très haute pauvreté» et en particulier l'appel à «panser les plaies du Christ crucifié dans l'humanité pauvre et souffrante» confié à Mère Françoise. Le fait de trouver des femmes authentiques, profondément humaines dans leurs luttes personnelles et pour les indigents, toutes éprises du Christ mort et ressuscité et de son Évangile, pour incarner ce charisme a fait le reste il y a plus de 40 ans. Et cette lumière me soutient encore aujourd'hui.

Diplômée en droit, vous êtes également experte en droit canonique et vous vous êtes occupée au fil des ans d'un sujet particulièrement délicat: celui des abus subis par les religieuses. Quels progrès ont été accomplis dans ce domaine?

Je savais que mes études de droit et de droit canonique ne pouvaient rester étrangères à ma vie de sœur franciscaine des pauvres. Ainsi, me retrouver au cœur de la grande blessure de l'Église causée par les abus —et je souligne non seulement les abus sexuels, mais aussi les abus de pouvoir et d'autorité, spirituels et de conscience, ainsi que les abus économiques— m'a permis d'entrer encore plus profondément dans notre charisme. L'une des étapes les plus importantes de ces dernières années a été la prise de conscience, chez tous ceux qui sont en première ligne dans ce domaine, de la nécessité de trouver un sens et un refuge à ce qu'ils vivent: souffrance, désarroi, scandale, impuissance, injustice, purification, pardon, nouveau départ, mais souvent aussi défaite.

Si je devais parler du monde de la vie consacrée féminine, je dirais que beaucoup a été fait, mais qu'il reste encore beaucoup à faire. Tous les instituts ont été invités, en particulier par l'Union internationale des supérieures générales, à nommer une référente déléguée à la protection, ainsi qu'à rédiger des lignes directrices pour leur propre institut. Là encore, les développements montrent qu'au début, l'accent était mis sur les abus sexuels, mais peu à peu, il est apparu clairement qu'il fallait faire plus: réfléchir, prendre conscience, décider de mesures concrètes pour prévenir d'autres types d'abus et prendre en charge les éventuels signalements. Dans tout cela, les victimes sont au centre, et non l'institution. Et il n'y a pas de retour en arrière possible.

Quels sont les principaux défis auxquels la vie consacrée est confrontée, notamment dans un monde globalisé et complexe, où semblent prévaloir les guerres et les crises économiques et sociales?

Pour résumer, sans vouloir banaliser la complexité dans laquelle nous sommes nous-mêmes plongés, je pense que les principaux défis peuvent être exprimés en quelques mots: espérance, changement, vision. Je m'explique: face aux nombreuses polarisations graves qui provoquent la haine, la violence et les guerres, nous sommes appelés à cultiver l'espérance d'être du bon côté de l'histoire, c'est-à-dire celui de l'Évangile. Miser sur les doux qui hériteront de la terre me semble demander beaucoup de courage, ainsi que de la patience pour continuer à œuvrer dans nos milieux, en croyant profondément en ce que nous faisons. Le soin, le don, la confiance sont ce que Léon XIV recommande pour continuer à croire en l'alliance de l'humain.

Embrasser le changement est un autre défi difficile. Continuer à regretter les certitudes du passé, faites de chiffres, d'œuvres, d'institutions imposantes, n'aide pas à se poser les bonnes questions. Par exemple: que signifie aujourd'hui mettre en action le charisme au service de l'humanité qui nous est confiée? Notre style de vie, notre manière de prier, nos structures, comment nourrissent-ils nous-mêmes et ceux que nous rencontrons? Dans quelle mesure sommes-nous prêts à prendre des risques pour lancer des processus de discernement inclusifs et efficaces, pour une vie consacrée au goût du vin nouveau?

Un troisième mot est «vision». Depuis longtemps déjà, dans certaines parties du monde au moins, on se demande où va la vie consacrée, comment sera son avenir, quelles formes elle prendra. La réponse ne viendra certainement pas de calculs humains, mais plutôt d'une écoute contemplative et collective de ce que l'Esprit voudra indiquer. À nous de continuer à marcher avec courage et confiance, dans la vérité qui nous rend libres.

Le Jubilé de la vie consacrée aura lieu en octobre. Comment vous préparez-vous à cet événement et quels en seront les moments forts?

Lorsque la préparation du Jubilé a commencé, en écoutant le besoin de réconciliation et de paix dans le monde, il nous est venu spontanément d'associer l'espérance au thème de la paix et de choisir de nous mettre en route comme «Pèlerins d'espérance sur le chemin de la paix». Après plusieurs rencontres au cours desquelles nous nous sommes préparés ensemble, de manière synodale, tout au long de l'année, nous vivons maintenant l'émotion de la veille, avec les derniers détails à régler. Le programme est très riche: nous commencerons les 8 et 9 octobre par la journée pénitentielle, le passage de la Porte Sainte et la messe présidée par le Pape Léon XIV.

Le 9 octobre au soir, sur trois places de Rome, nous avons organisé des moments de partage, de fraternité et de témoignages. Chaque lieu aura son thème spécifique: l'engagement envers les plus pauvres, le soin de la création et la fraternité universelle, pour nous rappeler que la paix se construit quotidiennement, par des gestes concrets de solidarité et d'amour. Les jours suivants, des moments d'écoute, de réflexion et de partage se succéderont et, le samedi 11 octobre, il sera également possible de participer à des ateliers sur les techniques de médiation et de gestion des conflits. Nous attendons avec beaucoup de joie les milliers de consacrés qui se sont inscrits.

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23 septembre 2025, 15:59