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Rendre la justice, oeuvrer pour l'espérance

Alors que s'ouvre le jubilé de la justice au Vatican, entretien avec Guillaume Drago, professeur de droit public à l'Université Panthéon-Assas, sur ce que signifie "faire justice". Il fera partie des pèlerins français à Rome durant le week-end.

Olivier Bonnel - Cité du Vatican

Près de 15 000 personnes venues d'une centaine de pays du monde entier se retrouvent à Rome ce week-end pour participer au jubilé de «ceux qui promeuvent et rendent la justice». Avocats, magistrats, ou praticiens du droit, tous les acteurs du monde de la justice séculière, canonique ou ecclésiastique sont invités à cet événement jubilaire, ainsi que leurs familles. Parmi les pèlerins français qui seront présents dans la Ville éternelle pour ce pèlerinage, Guillaume Drago, professeur de droit public à l’Université Panthéon-Assas à Paris, venu avec l'Académie d'éducation et d'études sociales, institution fondée en 1929 et dont l'un des objectifs est de promouvoir la doctrine sociale de l'Église. Guillaume Drago a aussi exercé les fonctions de juge au tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, pendant 8 ans. Il nous éclaire sur ce que veut dire «rendre justice» pour un chrétien. 

Que signifie «rendre la justice» dans une époque où l’on a tendance à «se faire justice soi-même» ?

Je partirai de la Parole du Christ: « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés». C'est une parole assez radicale qui, objectivement, devrait nous conduire à refuser de juger notre prochain. Mais il me semble qu’en réalité, cette parole signifie -que nous soyons juges ou pas- que nous ne pouvons pas décider pour nous-mêmes et par nous-mêmes, du bien et du mal. Se faire justice à soi-même est parfois révélateur d'un autre malaise, voire même d'un autre mal-être, c'est à dire d'une justice qui est parfois déficiente par manque de moyens, par des lois insuffisamment organisées ou répressives. Cela conduit finalement à une espèce de doute sur ce qu’est la justice avec cette forme de justice privée qui me paraît le signe d'un profond malaise social, d'une perte de confiance dans la justice de l'État. Selon moi, la justice privée, se faire justice à soi-même, c'est un véritable recul de civilisation.

Comment articule-t-on, quand on est un juriste chrétien ses convictions et le respect de la loi civile ? Quelle est la place de la conscience aujourd'hui dans la décision des juges, est-elle menacée?

C'est la question majeure, à mon avis, pour les juges d'aujourd'hui, quelle que soit la fonction qu'ils exercent. Concilier l'exercice d'une fonction réellement difficile dans lequel le juge doit appliquer la loi de l'État, -c'est sa fonction sociale- et pour le juge, agir aussi selon sa conscience. Le juge pourrait-il faire valoir une forme d'objection de conscience pour ne pas appliquer une loi qui serait contraire aux exigences de sa conscience? C'est une question fondamentale pour le chrétien. Et vous vous souvenez que la Constitution Gaudium et Spes rappelle l'importance de la conscience: «au fond de sa conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s’est pas donner à lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir. La voix de la conscience, c'est évidemment une loi fondamentale et qui vient en quelque sorte percuter la loi civile».

Le thème de cette année jubilaire est centré sur l'espérance, est-ce que pratiquer la justice est contribuer à œuvrer pour l'espérance ?

Je crois que c'est une excellente orientation qui est à mon avis fondamentale dans une société, celle de l'action de la justice pour espérer dans un monde meilleur, un monde plus juste. Faire œuvre de justice, c'est participer à pacifier les relations au sein de nos sociétés. C'est là où la justice rejoint l'espérance. Par exemple, dans la justice pénale, il y a toujours une volonté de réparation des fautes commises dans reconnaissance des victimes, mais aussi une forme -et j'emploie le mot à dessein- de rédemption des coupables, dans le but ultime de les réinsérer dans la société et donc de rendre la justice. Pour revenir à un propos plus général, c'est participer à une Espérance avec un «E» majuscule, selon laquelle chacun dans la société peut être reconnu, voir ses droits reconnus par un juge et voir une vérité établie ou rétablie. Cela ça participe à la recherche d'une vérité plus haute, cette vérité qui nous rend libres, comme le dit l'Évangile selon saint Jean. 

 

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19 septembre 2025, 16:20