Le président des évêques du Nigeria s’exprime sur les élections de 2027
Fabrice Bagendekere SJ – Cité du Vatican
À deux ans des élections générales dans le pays, un échauffement s’observe au sein de la classe politique nigériane. «Des alliances se nouent dans le secret, les caisses électorales se remplissent et les discours de campagne s'affinent». Par ailleurs, la mobilisation sociale croissante dans le pays impose de lourdes exigences au système électoral, en particulier à la Commission électorale nationale indépendante, arbitre de ce jeu. C’est alors que les évêques, par la voix du président de la conférence épiscopale, se lèvent pour dénoncer une politique politicienne des personnes impliquées dans la gestion des affaires publiques. «Alors que le pays est confronté à de graves menaces existentielles, plusieurs politiciens au niveau national et régional semblent plus préoccupés par les élections générales de 2027 que par le respect des promesses faites pendant la campagne électorale», a expliqué Mgr Lucius Ugorji, archevêque d'Owerri, président de la conférence épiscopale du Nigeria (CBCN), lors d'une rencontre avec les fidèles laïcs de la province ecclésiastique de Calabar.
Réformer la commission électorale nationale indépendante
Mgr Ugorji est revenu sur les irrégularités qui ont marqué le scrutin de 2022. «La confiance des citoyens dans le processus électoral a été sérieusement ébranlée lors des dernières élections générales par des pratiques incorrectes, des fraudes et des erreurs électorales présumées», a déclaré affirmé l'évêque. Il a notamment critiqué la manière dont ces élections ont été gérées, en particulier par la Commission électorale nationale indépendante (INEC), qu'il a qualifiée d'«organe influencé par les nominations politiques». Selon le président de la CBCN, «la plupart des nominations au sein de l'organe électoral ne peuvent actuellement être considérées ni comme impartiales ni comme indépendantes». Au vu de ce qui précède, l’archevêque préconise «un amendement constitutionnel» qui puisse «renforcer l'indépendance et la crédibilité de l'INEC et de la protéger contre les manipulations politiques».
Résistance au changement
Il a ensuite dénoncé une certaine résistance au changement de la part de certains acteurs politiques tandis que, dit-il, «des réformes fondamentales sont nécessaires pour préserver la stabilité sociale, (…) d'autant plus que l'insécurité règne déjà dans une grande partie du Nigeria ». «De nombreuses villes et villages à travers le pays sont devenus des communautés qui vivent dans la peur, où les gens sont contraints de fuir et de célébrer des funérailles. Nos concitoyens sont quotidiennement victimes d'enlèvements, d'extorsions, de traitements inhumains, d'assassinats ou contraints de fuir leurs communautés ancestrales, abandonnant leurs moyens de subsistance pour chercher refuge dans des campements de fortune, exposés à des conditions météorologiques extrêmes, souvent sans nourriture ni eau», a souligné Mgr Ugorji. Aussi, a-t-il averti que «ceux qui tentent d'entraver ces changements de manière pacifique rendent inévitables les changements violents».
Différence de traitement entre les élites gouvernementales et la population
L'archevêque d'Owerri a pointé le fossé de l’inégalité sociale dans le pays. Prenant comme exemple le décès, le 13 juillet dernier dans un hôpital londonien, de l'ancien président nigérian Muhammadu Buhari, il regrette «la différence de traitement entre les élites gouvernementales et le reste», ceux-là pouvant se permettre d'accéder au «tourisme médical», tandis que la majorité de la population n'a pas accès aux services médicaux de base. C’est cette injustice sociale, mêlée à l'insécurité la pauvreté et le chômage, qui «poussent les jeunes vers la criminalité, l'émigration et le désespoir», a-t-il affirmé. Le président de la CBNC a conclu en lançant un appel aux fidèles laïcs pour qu'ils s'engagent en politique, tout en soulignant la nécessité de leur donner une formation adéquate. «Nous attendons beaucoup des laïcs dans le cadre de la transformation nationale, mais il faut leur donner beaucoup en termes d'éducation politique», a-t-il enfin estimé.
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