Au Soudan du Sud, le père Loua appelle à une solidarité renouvelée

Directeur exécutif de Solidarity with South Sudan depuis avril 2025, le père Hyacinthe Loua, SJ, jésuite d’origine guinéenne, décrit dans l’entretien qu’il nous a accordé, les défis éducatifs, sociaux et pastoraux d’un pays encore marqué par les blessures de la guerre civile. Il appelle à une mobilisation nationale et internationale pour la réconciliation, l’unité et la paix.

Jean-Paul Kamba, SJ – Cité du Vatican

«Solidarity with South Sudan est une initiative de l'Église catholique qui vise à soutenir le peuple Sud-Soudanais dans la construction d'une société plus juste et pacifique, après des décennies de guerre civile», explique d’emblée le père Hyacinthe Loua, qui rappelle que cette œuvre est née de la volonté des congrégations religieuses d’appuyer les évêques dans leur mission d’évangélisation, de paix et de guérison. «Le pays souffre encore de guerres, de conflits et de violence ethnique, violence politique…», note-t-il. Dans ce contexte sensible, Solidarity with South Sudan cherche à renforcer les fondements mêmes d’une société pacifiée: Éduquer, soigner, nourrir.

Former pour bâtir l’avenir

Le jésuite guinéen explique d’abord que l’éducation demeure l’une des priorités majeures. «Nous soutenons la formation des enseignants pour renforcer le système éducatif du pays devenu indépendant en 2011…, et les évêques nous ont demandé de soutenir l’éducation». Il insiste ainsi sur la nécessité d’une éducation solide dès le primaire, afin de donner aux nouvelles générations des bases stables, loin des dynamiques de violence.

Renforcer un système de santé encore fragile

Les défis sanitaires sont également immenses avec l’absence de structures sanitaires dans plusieurs lieux. À cela s’ajoute le manque de formation du personnel de santé…, «et ceux qui sont bien formés ne sont pas nombreux», regrette le prêtre jésuite. Il souligne que l’Institut forme du personnel de santé à dans la ville de Wau, contribuant à pallier l’absence d’infrastructures et de compétences locales.


Promouvoir une agriculture durable pour les jeunes

Un autre volet essentiel est l’autonomisation des jeunes par l’agriculture. «Nous travaillons sur un projet agricole dans un village qu’on appelle Rima… pour éviter que les jeunes se mêlent dans les violences», précise-t-il, expliquant par ailleurs que la formation pratique est très importante dans la mesure où elle offre une alternative concrète à l’oisiveté et aux manipulations armées: «Ils peuvent aller aux champs, travailler, produire et soutenir le pays».

Une mission pastorale au service de la paix et de la réconciliation

Au-delà de l’éducation et du développement, les évêques ont insisté sur la nécessité de former des agents pastoraux. «… Les évêques ont demandé à notre institut de travailler pour la réconciliation», rappelle le directeur de l’Institut solidarity with South Sudan qui accueille ainsi des catéchistes de tous les diocèses du pays pour une formation commune: une manière de tisser des liens entre communautés souvent divisées.

«Le vrai problème, c’est la gestion du pouvoir»

Arrivé récemment au Soudan du Sud, le père Loua décrit «une ville dévastée, détruite par la guerre» et une société profondément troublée. Après analyse, il souligne le constat suivant: «Tout tourne autour de la gestion du pouvoir, la gestion politique». Les multiples accords de paix ne sont pas appliqués, et «le dialogue n'est plus un vecteur de paix… il y a l'égoïsme».

Une classe politique fragmentée

«Avant l'indépendance… il y avait un seul parti politique. Après l'indépendance, le même parti est divisé et encore au pouvoir», déplore le jésuite pour qui l’enjeu, la voix pour obtenir la paix, passe inévitablement par l'unité et le dialogue de ceux qui gouvernent. En plus, exhorte-t-il, tout le monde doit lutter contre la recherche de l’intérêt égoïste qui conduit aux violences. Rejoignant la voix des évêques, le jésuite guinéen insiste sur l’invitation à «éviter les fusils et s’armer de dialogue».

Une Église pleinement engagée dans la construction de la paix

La Conférence épiscopale du Soudan du Sud et du Soudan joue un rôle central. Impliquée dans plusieurs accords de paix, «elle invite le gouvernement à s’asseoir pour discuter, pour le respect de la personne humaine», affirme le père Loua qui, renchérit en précisant que cette mission des évêques s’inscrit dans une dynamique de synodalité qui souligne la participation de tout le monde pour l’avènement de la paix: «Nous avons encore beaucoup de choses à faire et nous ne pouvons pas faire seuls… Nous avons besoin des autres Églises», rapporte-t-il des propos d’un évêque.

Sur le terrain, cet engagement prend corps à travers les ONG catholiques et les congrégations, présentes même dans les zones les plus isolées. «Il y a des lieux où il faut un avion pour arriver. Les congrégations religieuses y sont. C’est ça la mission.»

Le soutien de la communauté internationale: un appui indispensable

Aux côtés de l’Église, les Nations Unies et de nombreuses organisations internationales sont impliquées. «Les Nations Unies sont partout et soutiennent plusieurs projets de paix, de cohésion sociale, et même de formation des femmes», souligne le prêtre, tout en rappelant, toutefois, que l’effort politique reste déterminant: «Les diplomates aussi doivent jouer leur rôle auprès des gouvernants».

«L’espérance est la force de ce peuple»

Malgré les blessures encore vives, le jésuite se dit frappé par la vitalité spirituelle du pays. «À Malakal, j’ai vu une église remplie, des gens dehors, tout le monde priait… même des hommes politiques y étaient». Pour lui, l’espérance est palpable: «Avec l’espérance, comme le disait le cardinal Stephen Ameyu, nous y arriverons». Le Père Loua partage profondément la conviction que: «cette joie que l’on voit partout vient de l’espérance».

Le travail de paix au Soudan du Sud, une affaire de tous

En définitive, le directeur de Solidarity with South Sudan lance un appel à la responsabilité commune: «Le travail de paix, d'unité et de réconciliation n'est pas un travail pour les Sud-Soudanais uniquement. Nous avons besoin de ceux qui sont en dehors de ce pays, de leur contribution, de leurs efforts, de leur soutien». Un plaidoyer pour une solidarité active, au service d’un peuple qui lutte encore pour la paix, mais dont la force intérieure demeure intacte.

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25 novembre 2025, 16:59