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Le cardinal Charles Maung Bo, président de la Conférence des évêques catholiques de Birmanie . Le cardinal Charles Maung Bo, président de la Conférence des évêques catholiques de Birmanie .  (©Cardinal Bo / ©RVA Sgaw Karen)

Les évêques catholiques birmans: «Que notre nation meurtrie se relève»

Alors que le conflit se poursuit en Birmanie et à la suite de l'appel lancé par le Pape Léon XIV en faveur de la nation, les évêques publient un «message de compassion et d'espoir face à la crise multiple que traverse le pays». Aussi, ils ont souligné que la situation d'urgence dans le pays a atteint peut-être son paroxysme, mais que, la paix est possible et réalisable pour le bien des nouvelles générations.


Deborah Castellano Lubov - Cité du Vatican

«À travers notre cher pays, du nord au sud, d'est à ouest, notre peuple est confronté à une crise sans précédent dans l'histoire récente». La Conférence des évêques catholiques de Birmanie (CBCM) a lancé cet avertissement glaçant le 29 octobre dans son «Message de compassion et d'espoir face à la polycrise en Birmanie». Dans ce message, les évêques du pays reconnaissent que, partout dans le pays et au-delà, les populations traversent une période de grande souffrance, d'incertitude et de confusion.
Les évêques précisent qu'il ne s'agit pas d'une «tragédie unique», mais de «ce que les experts appellent une polycrise, c'est-à-dire une situation où plusieurs urgences se conjuguent, chacune aggravant les autres». Pour le peuple birman et les prélats, les journées sont lourdes et les nuits longues, notent-ils, alors qu'ils continuent à faire face à «des conflits armés, des catastrophes naturelles, des déplacements de population, un effondrement économique et une profonde fracture sociale».

Déplacement et traumatisme

Se tournant vers ceux qui souffrent, les évêques rappellent que, selon les statistiques des Nations unies, plus de 3 millions de personnes en Birmanie ont été déplacées de leurs foyers depuis l'escalade du conflit. «Ce ne sont pas seulement des chiffres. Ce sont des mères, des pères, des grands-mères et des enfants», soulignent les évêques de la CBCM, déplorant que certains s'abritent sous les arbres, dans les rizières, les monastères et des tentes de fortune, sans nourriture, sans eau, sans éducation et sans sécurité. Dans les zones touchées par le séisme, ils dénoncent la destruction totale de villages entiers, l'effondrement de bâtiments et la perte de vies humaines en quelques secondes. «Dans les zones de conflit, les villes sont devenues des villes fantômes», soulignent-ils, observant que de nombreuses personnes ont été déplacées à plusieurs reprises, «emportant avec elles non seulement des sacs contenant leurs effets personnels, mais aussi un traumatisme profond et la peur».

La souffrance silencieuse des femmes et des enfants

Les évêques déplorent que les femmes et les enfants, «comme toujours dans les guerres et les catastrophes, portent le plus lourd fardeau», et que de nombreux enfants ne soient pas scolarisés depuis des années, souffrent de la faim, voient leurs salles de classe réduites en ruines et aient perdu leurs parents.

Les évêques affirment que leur avenir est suspendu dans l'incertitude. «Les femmes aussi», soulignent-ils, «souffrent en silence. Elles portent le poids de la perte de leur famille, la responsabilité de s'occuper des plus jeunes et la crainte d'être exploitées. Dans certains cas, elles doivent accoucher ou élever leurs enfants sans abri ni soins médicaux». «Et pourtant», observent-ils, «ce sont elles qui maintiennent la cohésion des communautés, qui préparent les repas pour beaucoup, qui prient dans l'obscurité et qui réconfortent ceux qui sont en deuil».

Manque de compréhension entre les parties prenantes

De plus, les évêques de Birmanie qualifient le manque de compréhension et de confiance entre les différents acteurs et parties prenantes de «l'une des plus grandes blessures». «Il existe de multiples parties, de multiples visions, de multiples besoins». Mais souvent, déplorent-ils, «le dialogue est rare». «À cause de cela, notent-ils, l'aide est bloquée, le développement est retardé et l'accès humanitaire est restreint». Parfois, les civils, qui ne sont impliqués dans aucun conflit, «se retrouvent pris au milieu et en subissent les conséquences». Les jeunes, déplorent-ils également, aspirent à étudier et à réussir dans la vie, mais sont souvent remplis de peur, de colère et de désillusion, car leurs talents sont gaspillés et leurs espoirs enterrés, plusieurs «fuyant le pays» tandis que «d'autres se retirent en silence».

Vivre au quotidien dans des conditions difficiles

La vie quotidienne des civils ordinaires, poursuivent les évêques, est devenue un combat permanent pour la survie. «Dans de nombreuses régions du pays, notent les dirigeants de l'Église, les prix des denrées alimentaires ont explosé. Les emplois ont disparu. Le carburant et les médicaments sont rares. L'électricité est intermittente. L'angoisse est devenue une compagne silencieuse dans tous les foyers». Malgré un climat de peur, observent les prélats, les personnes au cœur ouvert, même si elles ont «souvent les mains vides», continuent à s'entraider.

Approche chrétienne de la réconciliation et de la paix

«En tant que chrétiens et personnes qui côtoient toutes les confessions», déclarent les évêques, «nous nous demandons: où allons-nous à partir de là? Comment mettre fin à toutes les guerres? Pouvons-nous nous lever ensemble et dire ''plus jamais de guerres dans aucune partie du monde''? Le christianisme n'offre pas d'échappatoire facile à la souffrance». Mais, «il offre un chemin – un chemin tranquille et humble – vers la réconciliation, la guérison et une paix durable», ajoutent-ils. «La réconciliation, rappellent-ils, ne signifie pas oublier ou prétendre que tout va bien», mais plutôt «écouter les histoires des uns et des autres, pleurer avec ceux qui pleurent et rechercher un terrain d'entente où personne n'a à perdre pour que d'autres gagnent». Dans ce contexte, les évêques birmans précisent que la paix n'est ni passive ni silencieuse, mais plutôt «un engagement actif et courageux à choisir la vie plutôt que la mort, la dignité plutôt que la vengeance, la communauté plutôt que l'isolement».

La paix est possible

Ils appellent donc les fidèles à garder espoir, soulignant que «ce n'est pas le moment d'abandonner. C'est le moment de creuser plus profondément» et «de trouver l'espoir». «La paix, encouragent les évêques, est possible; la paix est la seule voie».

Meurtri mais déterminé à se relever

De plus, les évêques réaffirment que la haine ne peut les définir et que le désespoir ne peut l'emporter: «Que notre nation, meurtrie et battue, se relève, non seulement avec des bâtiments, mais avec des cœurs nouveaux», déclarent-ils. Et de conlure: «Que nos enfants puissent dire un jour: ''Ils n'ont pas renoncé à la paix. Et c'est ainsi que nous avons retrouvé le chemin de la maison''». 
 

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04 novembre 2025, 12:41