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Les funérailles d'un manifestant en Tanzanie. Les funérailles d'un manifestant en Tanzanie.  (AFP or licensors)

Violences électorales en Tanzanie, l’Église déplore «les décès de manifestants»

Suite aux manifestations contre le déroulement des élections qui ont fait, selon l'opposition, plus de 1.000 morts, ces dernières semaines, Mgr Wolfgang Pisa, évêque du diocèse de Lindi et président de la Conférence épiscopale, exprime sa douleur face à la brutalité des violences commises par les forces de l'ordre: «De nombreuses personnes se sont vu refuser l'identification des corps de leurs proches ou de leurs amis. Les dirigeants politiques doivent présenter leurs excuses», déclare-t-il.

Federico Piana - Cité du Vatican

«Ce fut un événement triste, horrible, mortel». Mgr Wolfang Pisa, évêque du diocèse de Lindi et président de la Conférence épiscopale de Tanzanie, revient sur cette journée funeste du 29 octobre, jour des élections générales, où des principales villes telles que Dar es Salaam, Mbeya, Arusha, Mwanza, Geita et Kahama ont été secouées par d'imposantes manifestations contre le déroulement du scrutin jugé irrégulier et illégitime.

Sans pitié

Pour la première fois depuis les événements, l'évêque trouve le courage de raconter aux médias du Vatican que pendant ces heures agitées, marquées par des excès de violence de la part des manifestants, la police a répondu avec une force brutale sans précédent: «Ils ont tiré et tué non seulement ceux qui manifestaient, mais aussi ceux qui se trouvaient devant leur domicile et qui n'avaient rien à voir avec les manifestations. Ils l'ont fait de manière effrénée, sans pitié».

Manifester est un droit

Bien que les manifestants descendus dans la rue n'y aient pas été autorisés, l'évêque rappelle clairement: «Les manifestations sont un droit du peuple et ne doivent pas être stoppées par des coups de feu. D'ailleurs, les jeunes, qui sont le moteur des contestations, savaient bien que dans une situation sociopolitique aussi tendue, les autorités n'auraient jamais donné leur accord».

Bilan incertain

Selon l’opposition, il y a eu plus de 1000 personnes tuées, et des blessés. Après avoir prêté serment pour son deuxième mandat, la présidente Samia Suluhu Hassan a minimisé les faits en parlant de quelques victimes sans communiquer toutefois de bilan officiel.

Soins refusés

Mais, les révélations de Mgr Pisa, lèvent un voile sur la vérité, et pourraient donner du crédit à certains témoins qui ont déclaré avoir vu des piles de centaines de cadavres: «Nous avons reçu des informations selon lesquelles, dans certains de nos hôpitaux missionnaires, comme l'hôpital Rugambwa de Dar es Salaam, le personnel médical a reçu pour instruction de la police, de refuser les soins aux manifestants blessés ou de ne leur fournir qu'une assistance limitée». «Dès le début, ils ont été qualifiés de criminels et, si l'intention des forces de l'ordre était de les tuer et non d'arrêter pacifiquement les manifestations, je ne suis pas surpris qu'ils aient préféré les voir morts plutôt que vivants et en quête de soins médicaux».


Une vérification difficile

Il y aurait ensuite une autre explication. L’évêque la considère comme presque certaine: «Soigner les blessés aurait fini par fournir au monde une description véridique de la situation, conduisant ainsi à la découverte des responsabilités des forces de sécurité». Une autre tentative visant à dissimuler le nombre de morts fait frémir et laisse sans voix: «De nombreuses personnes, dans les morgues et dans les rues, ont été empêchées d'identifier les cadavres de leurs parents ou amis. Cependant, il est encore difficile de connaître l'ampleur de ces événements».

Des années d'abus

L'analyse du président de la Conférence épiscopale retrace la violence qui sévit depuis des années en Tanzanie et qui aurait contribué à alimenter les récentes manifestations antigouvernementales: «Selon un document publié par l'Union des étudiants de l'université de Dar es Salam le 23 octobre dernier, 87 personnes ont été enlevées entre 2020 et 2025. Parmi elles, 36 ont été brutalement assassinées. Pendant des années, cela a suscité l'indignation de la population, qui se demandait s’il s’agissait de l’œuvre de la police, d'une force indépendante inconnue, ou même des deux». Autant de questions auxquelles les autorités n'ont jamais répondu, laissant de nombreuses autres en suspens: «Pourquoi le gouvernement n'intervient-il pas pour mettre fin à ces abus? S'agit-il peut-être d'une nouvelle façon de gouverner et d'intimider la population pour la réduire au silence?»

Absence de démocratie

Le raisonnement de Mgr Pisa a porté également sur les dirigeants des partis d'opposition qui, avant le scrutin, ont été harcelés ou emprisonnés. «Cette attitude restrictive, y compris l'interdiction faite au parti Chadema de participer aux élections, montre clairement que le parti au pouvoir n'est pas ouvert à la démocratie et aux élections multipartites».

L'Église, témoin de la vérité

L'Église locale, qui plus que jamais ressent le devoir de témoigner de la vérité, de la justice et de la paix, demande avec force «que les dirigeants présentent leurs excuses pour les violences et qu'un comité indépendant soit immédiatement créé pour enquêter sur cette catastrophe». Mgr Wolfang Pisa garde espoir, malgré tout.

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20 novembre 2025, 14:56