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Irène Sapir, survivante de la rafle du Vel d'Hiv, à son domicile dans la ville de Bergerac, en France, le 15 juillet 2022. Irène Sapir, survivante de la rafle du Vel d'Hiv, à son domicile dans la ville de Bergerac, en France, le 15 juillet 2022.  

Il y a 80 ans, la rafle du Vel' d'Hiv' racontée par une survivante

La France commémore, ce 16 juillet, le 80e anniversaire de la rafle du Vélodrome d’Hiver, qui a visé la communauté juive parisienne. Irène Sapir était l'une des 4000 enfants enfermés ce jour-là au stade parisien, avant la déportation vers Auschwitz. Cette ancienne professeure des écoles, fille de parents juifs immigrés, est l'une des derniers témoins de la tragédie française.

Entretien réalisé par Claire Riobé - Cité du Vatican

Les 16 et 17 juillet 1942, dans une France à demi occupée par l'Allemagne nazie, le gouvernement de Vichy livre aux autorités allemandes les juifs de Paris et de sa proche banlieue. En quelques heures, 13 152 personnes - dont un tiers d'enfants - sont arrêtées et embarquées au Vélodrome d'Hiver. Le stade, construit dans le 15e arrondissement de la capitale en 1909 pour accueillir des courses de vélo, devient le lieu de détention des juifs parisiens, avant leur déportation vers les camps de la mort. Et le décor, à quelques centaines de mètres de la Tour Eiffel, de l'un des pires moments de l'histoire de France.

80 ans après la tragédie, les témoins de la rafle du Vel' d'Hiv' se font de plus en plus rares. Irène Sapir avait cinq ans le jour où elle a été emmenée avec sa mère. Depuis la ville de Bergerac, en Dordogne, cette fille d'immigrés polonais et russe revient aujourd'hui sur ce jeudi noir de la raffle du Vel' d'Hiv'.


De la Palestine au Paris occupé

«Ma mère est originaire d’un petit village de Pologne, près de Varsovie. Mon père, lui, vient de à Vapniarka [en Ukraine]». Cette histoire familiale, Irène Sapir l'a racontée des dizaines de fois auprès d'écoles et de collèges de France. Cette année, peut-être plus encore que les précédentes, son témoignage prend un relief particulier. Ses parents, tous deux militants communistes, se rencontrent dans les années 1930 en Palestine mandataire, dirigée par le gouvernement britannique. «C'est clandestinement, à l’aide du mouvement sioniste, que mon père a pu y entrer. Et là, il y a rencontré ma mère, elle aussi militante communiste», explique-t-elle. Tous deux sont expulsés en raison de leurs convictions politiques. M. et Mme Bibergal obtiennent rapidement un visa pour la France, et débarquent à Paris en 1936, sous le gouvernement socialiste du Front Populaire. Irène nait à Belleville, un an plus tard. 

Le père d'Irène s’engage en 1939 dans l’armée française. Alors que l’armée allemande pénètre dans Paris, le 14 juillet 1940, il est fait prisonnier et envoyé en Allemagne, où il est détenu cinq ans. «Ma mère s’est donc retrouvée seule à Paris avec moi», se souvient-elle, alors que la capitale française se transforme peu à peu sous l’occupation allemande. Le 7 juin 1942, le port de l'étoile jaune devient obligatoire pour tous les juifs. Marquant le premier affichage au grand jour de la politique de persécutions du régime de Vichy, il contraint toutes les familles juives à aller se déclarer aux autorités. 


16 juillet 1942, le «jeudi noir» de la rafle

De cette journée du 16 juillet 1942, Irène Sapir se «souvient très bien». Le régime nazi souhaite augmenter le nombre de déportations vers les camps - avec un objectif de 40 000 pour la France. La police française prévoie une opération «spéciale» en accord avec les autorités. À 4 heure du matin, 9000 policiers et gendarmes débutent une traque d'une trentaine d'heures dans les quartiers de Paris, visant à rafler le plus grand nombre de juifs possible.

 «Ma mère me réveille, m’habille, me dit de ne pas faire de bruit. Nous allons dans le coin cuisine, et des coups sont frappés à la porte», se remémore Irène Sapir. «La porte s’ouvre et entrent des policiers en civils, qui demandent à ma mère de préparer quelques affaires et de les suivre». S'ensuit un long transfer en bus jusqu'au stade du Vel' d'Hiv', dont Irène ne garde «aucun souvenir». De ces moments passés dans le Vélodrome, elle retient pourtant «la rumeur, les gémissements, les odeurs (...). Nous étions sur des gradins, installés sans toilettes, dans la chaleur».

Irène Sapir y reste parquée deux jours, sans eau et ni nourriture, dans des conditions sanitaires déplorables. Jusqu'à ce que sa mère fasse une découverte, qui changera à jamais le cours de leur existence.

Entretien avec Irène Sapir, rescapée de la rafle du Vel' d'Hiv'

 

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15 juillet 2022, 09:37