Chaos à Uvira: l’évêque racketté par des FARDC
Marie Duhamel – Cité du Vatican
Ce jeudi 20 février aux alentours de 8h30, trois soldats des Fardc, les Forces armées de la République démocratique du Congo, se sont introduits au siège épiscopal d’Uvira. Armé d’une arme à feu et de couteaux, ils ont menacé l’évêque, Mgr Sébastien Joseph Muyengo Mulombe, ainsi que deux prêtres qui se trouvaient à ses côtés, les pères Ricardo Mukuninwa et père Bernard Kalolero, tous jetés à terre. Les militaires leur ont volé leurs téléphones portables déverrouillés et, estimant que «les prêtres ne peuvent pas manquer d’argent», ont réclamé leurs liquidités. Quelque 50 000fc, soit 150 dollars, leur ont été remis, nous explique une source locale. Les trois soldats ont enfermé l’évêque et les deux prêtres, pour pouvoir fouiller partout avant de partir. Par ailleurs, une autre communauté des abbés de la paroisse Saints Anges Gardiens a été visitée par des hommes en armes. «C’est la première fois que l’Église d’Uvira est visée» par une attaque, mais cette agression s’inscrit dans un contexte général de chaos dans la ville.
Le crépitement continue des armes
«Depuis samedi, la psychose s’est emparée de la ville d’Uvira. Dimanche, peu de chrétiens se sont rendus dans les Églises pour la messe. Lundi, certains sont sortis profitant d’un moment d’accalmie mais depuis plus personne ne sort. Ça crépite par-ci, par-là», nous raconte un habitant d’Uvira.
Plusieurs sources font état de pillages chez des particuliers mais également de magasins. «On ne sait pas trop qui en sont responsables», confie un local selon lequel tant des FARDC que des Wazalendo profitent de la situation de panique.
La fuite
Depuis la prise de Bukavu, capitale du Sud-Kivu, des militaires congolais ont commencé à fuir Uvira, et cela se serait accéléré mardi 18 février. Ce jour-là, les combattants du M23 qui descendent le long de la route nationale N°5, sont arrivés à Kamanyola, à 75 kilomètres au nord d’Uriva.
Selon le HCR, le nombre de personnes fuyant vers le Burundi devrait continuer à augmenter à mesure que le M23 se rapproche de la ville d'Uvira. En deux semaines 42.000 personnes, en majorité des femmes et des enfants, ont trouvé refuge dans le pays voisin.
Bataille pour le contrôle des munitions
Les FARDC veulent fuir mais en sont empêchés. «Ils ont trouvé une résistance de la part des Wazalendo», une milice pourtant pro-gouvernementale. Les Wazalendo «veulent se battre coute que coute (pour défendre leurs villes bastions se trouvant sur la route N°5, ndlr) mais manquent d’armes et de munitions. C’est pourquoi ils exigent que les soldats de l’armée leur laissent leur matériel avant de partir, chose que refuse de faire les Fardc». Ces derniers se retrouvent donc coincés à Uvira. À l’est, il y a le lac Tanganyika, où «plus aucun bateau ne navigue», plus à l’ouest des Wazalendo occupent les monts de Mitumba. Les miliciens auraient également bloqué la route permettant aux soldats d’aller en territoire de Fizi.
«Ils sont là très nombreux et ils ne savent plus où aller, c’est la raison pour laquelle il sème la terreur parmi la population. Ils n’ont pas reçu d’ordre et font tout ce qu’ils veulent, sans qu’on sache où cela va nous conduire», nous explique notre source.
Dégradation des conditions humanitaires
En raison des accrochages et des pillages, la situation humanitaire se complique.
«Dans toute la ville, les équipes médicales et humanitaires sont en danger. Nous sommes contraints de réduire notre présence à Uvira, mais nous continuons à apporter notre soutien au secteur de la santé, en particulier pour le traitement des patients atteints de Mpox et pour les dons de fournitures médicales vitales pour les blessés» faisait savoir Médecins Sans Frontières le 20 février dans un communiqué insistant sur les «besoins croissants d'aide» sur place.
«Dieu seul peut nous sauver»
Dans cette ville de 660 000 habitants, le courant serait interrompu. Les civils auraient désormais du mal à s’approvisionner en vivres et en eau. «Le gouvernement est impuissant pour sauver ce qui peut l’être. Comme si personne ne savait où nous nous trouvons». Les habitants d’Uvira se demandent si avec l’arrivée des combattants du M23, les exactions pourraient cesser - «Ils se disent libérateurs». Cela serait-il simplement pérenne ?
Aujourd’hui, l’Église veut apporter une parole de réconfort et d’espérance à ses fidèles. Tout soutien est nécessaire, car «on a plus de lieux où se réfugier. Dieu seul peut nous sauver et peut toucher le cœur de tout un chacun pour obtenir une conversion».
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