Recherche

Vue aérienne de l'Amazone, le plus puissant fleuve au monde, qui sillonne le Brésil, la Colombie et le Pérou. Vue aérienne de l'Amazone, le plus puissant fleuve au monde, qui sillonne le Brésil, la Colombie et le Pérou.   Les dossiers de Radio Vatican

COP30 au Brésil: l'Amazonie proche du «point de non-retour»

La plus grande forêt tropicale au monde s’apprête à accueillir sa première COP. Fixer les futurs objectifs climatiques depuis la ville de Belém, aux portes de l'Amazonie brésilienne, est un choix empreint de symbole, tant la protection de cette région est vitale pour la biodiversité et le climat de la planète. État des lieux avec Jhan-Carlo Espinoza, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), et membre du collectif de scientifiques «Science Panel for the Amazon».

Alexandra Sirgant – Cité du Vatican

Elle s’étend sur neuf pays, allant de la forêt tropicale brésilienne aux hauteurs andines du Pérou et de la Bolivie, sans oublier l'Équateur, la Colombie, le Venezuela, le Guyana, le Suriname et la Guyane française. Trésor de biodiversité, l’Amazonie abrite sur ses 6,9 millions de km² plus de 34 millions de personnes qui dépendent de ses richesses naturelles et de son fleuve, dont le débit est le plus puissant du monde, pour vivre. C’est justement sur les berges de l'embouchure de l'Amazone dans l’océan Atlantique, au cœur de la ville de Belém, au nord-est du Brésil, que se tiendra du 10 au 21 novembre la trentième Conférence des Parties (COP30) sur les changements climatiques.

En 2020 déjà, dans son exhortation apostolique publiée à l’issue du synode sur l’Amazonie, le Pape François rêvait d’une «Amazonie qui préserve jalousement l’irrésistible beauté naturelle qui la décore, la vie débordante qui remplit ses fleuves et ses forêts»Mais cinq ans plus tard, la forêt amazonienne ne cesse de se rapprocher du «point de non-retour» à partir duquel les effets de la déforestation et du réchauffement climatique seront irréversibles. «C’est déjà le cas dans le sud du bassin amazonien» explique Jhan-Carlo Espinoza, chercheur franco-péruvien à l'Institut de recherche pour le développement (IRD). «La forêt du sud, de l’Amazonie bolivienne par exemple, connait des sécheresses de plus en plus intenses et de plus en plus longues, et commence à ressembler à la savane du Cerrado au Brésil» déplore-t-il, tout en rappelant que des records de sécheresse y ont été battu en 2023 et en 2024. À cela s’ajoute une intensification du cycle hydrologique, avec des crues extrêmes et des inondations majeures au nord de bassin amazonien.

Si la date de ce «point de non-retour» est compliquée à évaluer, les scientifiques ont établi les seuils à ne pas dépasser. En matière de déforestation, il serait de 40%, mais «17 à 20% de la forêt amazonienne a déjà été déboisées, soit l’équivalent de la taille combinée du territoire de la France et de l’Allemagne», précise Jhan-Carlo Espinoza. Sans oublier les 17% additionnels de forêts qui ont été dégradées par l’intervention humaine. En ce qui concerne le réchauffement climatique, les deux dernières décennies ont été les plus chaudes jamais enregistrées depuis le siècle dernier.

Des conséquences majeures sur le cycle de l’eau

Cette déforestation massive réduit drastiquement les capacités d’absorption de carbone de celle que l’on surnomme «le poumon vert de la terre», mais elle entraine aussi des effets dévastateurs sur son cycle de l’eau. «La moitié des précipitations qui tombent sur l’Amazonie sont renvoyés par les arbres dans l’atmosphère par le processus d'évapotranspiration» détaille le chercheur qui a réalisé plusieurs travaux sur le sujet. La forêt amazonienne humidifie non seulement son écosystème mais aussi les régions situées en dehors de l’Amazonie, telles que les Andes tropicales (qui comprend les glaciers tropicaux), le sud du contient et au-delà. Ainsi, la déforestation à l’œuvre au Brésil joue un rôle déterminant sur la disponibilité d’eau, actuelle et futur, dans des pays comme la Bolivie et le Pérou, et menace à terme leur sécurité alimentaire. 

Les attentes à l’approche de la COP30

Jhan-Carlo Espinoza est membre du «Science Panel for the Amazon», une initiative scientifique lancée en 2019 qui regroupe près de 300 chercheurs travaillant à la synthétisation des connaissances scientifiques sur l’Amazonie mais aussi des solutions pour sa conservation. Parmi les premières actions-clés proposées pour éviter «le point de non-retour»: la mise en place de politiques nationales pour tendre vers une «déforestation zéro». Le chercheur franco-périvuen rappelle toutefois que le déboisement de la forêt amazonienne répond à un marché global, notamment à celui du soja et de l’or, qui n’est pas exclusivement de la responsabilité des pays amazoniens.  

Ensuite, les scientifiques appellent à s’opposer aux projets de barrages ou autres infrastructures qui viennent perturber la connectivité entre les forêts et les rivières amazoniennes, et les Andes. «L’Amazonie commence dans les Andes, à plus de 5 000 mètres d’altitude, et c’est de là que viennent la plupart des sédiments qui sont clés pour nourrir la biodiversité amazonienne» explique Jhan-Carlo Espinoza. Il préconise enfin de garantir la protection des territoires autochtones et de leurs habitants, dont les actions sont clés pour «maintenir l’équilibre climatique entre la forêt et l’atmosphère».

Cette dernière proposition fait écho aux doléances exprimées dans un communiqué publié il y cinq mois par les organisations autochtones du bassin amazonien à l’issue d’une rencontre internationale organisée en juin dernier à Brasilia. Au-delà d’une meilleure représentation et participation dans les prises de décisions de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, les dirigeants autochtones des neuf pays du bassin amazonien demande un accès direct au financement climatique, enjeu central de la COP30 à venir.

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

03 novembre 2025, 10:58