À la COP30, la voix prophétique du Sud global
Alexandra Sirgant – Envoyée spéciale à Belém, Brésil
Une photo du Pape Léon XIV à leurs côtés et le logo de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (UNFCC) au-dessus de leurs têtes, les plus hauts représentants des Églises d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et des Caraïbes ont élevé leur voix contre les injustices économiques et sociales dont souffrent leurs populations. Une conférence les réunissant était organisée ce jeudi après-midi à la COP30, motivée par une volonté: celle de ne pas laisser les discussions climatiques uniquement aux politiques et aux techniciens.
«L’Église ne restera pas silencieuse. Nous continuerons à lever nos voix aux côtés de la science, de la société civile et des plus vulnérables avec vérité et constance, jusqu’à ce que justice soit faite» pouvait-on lire dans le message pour la justice climatique partagé par les trois présidents des conférences épiscopales continentales au Vatican le 1er juillet. Ce même document a été symboliquement remis, à l’issue de la rencontre, au représentant du secrétaire exécutif l’UNFCC, Gustau Manez Gomis, et officiellement présenté à l’ensemble de la communauté internationale. Au centre du message, l’importance des notions d’équité, de justice et de protection des peuples et des écosystèmes. Alors que le «point de non retour s’approche», a souligné le cardinal brésilien Jaime Spengler, également président du Conseil épiscopal latino-américain et caribéen, «il n’y a pas de place pour le négociantisme ou pour la protection des intérêts particuliers».
Cette coalition historique, démonstration sans précédent de synodalité, ne souhaite pas pour autant gommer les réalités territoriales de chaque continent. Si les pays d’Amérique latine sont confrontés aux effets dévastateurs de la déforestation du biome amazonien, le continent Africain est lui frappé par une désertification massive d’un territoire pris en étau entre le désert du Sahara au nord et le désert du Kalahari au sud. À l’est, la région Asie-Pacifique connait des déplacements massifs de population côtière, en raison de la montée des eaux et de la multiplication des événements climatiques extrêmes, en particulier l’intensification des typhons en Asie du Sud-Est. À cela s’ajoute la suffocation des villes asiatiques sous des niveaux dangereux de pollution atmosphérique qui dépassent largement les seuils préconisés par l’OMS.
Pas de transition écologique sans justice sociale
Pour répondre avec urgence à ces défis, les cardinaux ont appelé à sortir des «fausses solutions», inadaptées pour répondre de façon durable à ces enjeux. Ils dénoncent en particulier la financiarisation des forêts ou des marchés et crédits carbone, qui permettent de continuer à polluer en achetant des crédits verts, mais aussi l’exploitation minière au nom de la transition énergétique. En Afrique, la recherche de lithium, de cobalt, et de nickel détruit le bassin du Congo et entraine des conflits régionaux aux conséquences humanitaires dramatiques, a relaté l’archevêque de Kinshasa. C’est pourquoi une réponse intégrale, mêlant considérations écologiques et justice sociale, s’impose. «Tout est lié» a martelé le cardinal congolais, rappelant ainsi l’expression utilisée à plusieurs reprises par le Pape François dans son encylique Laudato Si’.
Les Églises du Sud ont exprimé leur souhait de remettre à l’ordre du jour la question du financement, regrettant que les 300 milliards de dollars par an promis lors de la COP29 de Bakou ne répondent pas aux attentes de fonds nécessaires pour l’adaptation, l’atténuation et les pertes et dommages. En cette année jubilaire, elles appellent également à relancer le débat sur l’endettement des pays les plus pauvres. «Les pays riches doivent reconnaitre et payer leur dette écologique sans endetter davantage les pays du Sud global» a exhorté le cardinal indien Filipe Neri Ferrão.
Pas des experts mais des pasteurs
Mais les cardinaux ont aussi exprimé leur humilité face à l’ampleur des connaissances techniques et scientifiques nécessaires pour sortir des énergies fossiles. «Nous ne sommes pas des experts mais des pasteurs» a déclaré le porte-voix des Églises d’Asie. À leur échelle et dans leurs diocèses, les présidents des conférences épiscopales du Sud s’engagent à promouvoir l’éducation à écologie intégrale. «Nous mettons toute l’autorité de l’Église pour soutenir les projets de lutte contre le changement climatique» a ajouté le cardinal Fridolin Ambongo. La coalition des Églises du Sud compte également surveiller et encourager le respect des accords de la COP à travers le lancement d’un Observatoire ecclésial pour la justice climatique, promu par la conférence ecclésiale de l’Amazonie.
À la fin de la rencontre, le représentant du secrétaire exécutif de l’UNFCC, Gustau Manez Gomis, a pris la parole pour rappeler les chiffres positifs annoncées à l’ouverture de la COP30 le 10 novembre: selon la dernière mise à jour du rapport de synthèse sur les Contributions déterminées au niveau national (CDN), les émissions mondiales devraient diminuer de 12 % d’ici 2035 par rapport à 2019. Une baisse insuffisante mais encourageante, fruit de l’Accord de Paris. Le haut fonctionnaire onusien a conclu son allocution en soulignant l’importance du rôle de la foi dans les instances internationales. «Quand les religieux parlent, les politiques écoutent. Alors, continuez de parler, et continuez de parler fort!».
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