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«À la COP, je ne trouve pas ma place»: les autochtones de Guyane française à Belém

Une marche pour le climat a été organisée samedi matin dans les rues de Belém. Parmi les 50 000 personnes annoncées par les organisateurs, des milliers de représentants des peuples autochtones ont défilé pour appeler à la sauvegarde de l'Amazonie et à la prise en compte de leur voix dans les négociations de la COP30. Une délégation de huit personnes venue de Guyane française a participé au cortège.

Alexandra Sirgant – Envoyée spéciale à Belém, Brésil

Les percussions retentissent et les maracas s'agitent de part et d'autre des quatre kilomètres de parcours délimités dans le centre-ville de Belém, à quelques kilomètres du site de la COP30. Ni le soleil éblouissant, ni l'humidité étouffante ne viendront démotiver les milliers de militants et d’autochtones. Un long tissu bleu roi traverse la foule, porté par plusieurs dizaines de représentants du Mouvement Laudato Si’. «Il symbolise la rivière de l’espérance» explique une militante en passant, tandis que son voisin brandit à ses côtés un dépliant avec la photo de Léon XIV. Quelques mètres plus loin, un drapeau aux couleurs arborant des déclinaisons de violet, jaune et vert vient se joindre au tourbillon de sons et de couleurs. Ornés de six pictogrammes, l’étendard représente les six peuples amérindiens de Guyane française. Il est brandi fièrement par les bras recouverts de peinture rouge de Nicolas Chaumier, membre du peuple Teko, venu spécialement à la COP30 pour exposer à la communauté internationale les difficultées climatiques rencontrées dans son territoire, similaires à celles des plus de 3000 autres représentants des peuples autocthones présents à Belém. 

Sa communauté vit dans la commune de Campori, sur les bords du fleuve Oyapock, à la frontière nord avec le Brésil, où les sécheresses sont sans précédent. «La seule voie que nous avons pour pouvoir s’alimenter et accéder à nos villages, c’est le fleuve» explique Nicolas. «Quand il est asséché, poursuit-il, nous ne pouvons plus naviguer et nous sommes obligés de faire appel à l’autorité de l’État pour qu’il puisse mettre en place un pont aérien afin d’alimenter la commune avec les denrées alimentaires de base». Ces deux dernières années, la Guyane a été frappée de plein fouet par des sécheresses intenses marquées par des températures exceptionnelles, faisant de 2024 l'année la plus chaude enregistrée depuis plus de 70 ans.

Nicolas Chaumier, représentant du peuple Teko.
Nicolas Chaumier, représentant du peuple Teko.

D’autres parties du territoire sont en revanche englouties par les marées. Le mois dernier, la ville de Yalimapo, située sur le littoral atlantique, a été submergée par les vagues. «Certains habitants sont en train de déménager» explique Eric Louis, chef du peuple Kali'na de Kourou, également membre du cortège guyanais. Aux conditions météorologiques extrêmes et imprévisibles s’est ajoutée l’année dernière la maladie du manioc. Elle a décimé des plantations entières de cette tubercule tropicale, denrée principale des communautés autochtones en Guyane.

Dégradations massives des cours d’eau en Guyane

Quand l’eau ne vient pas à manquer ou qu'elle ne ravage pas tout sur son passage, elle est polluée par l’orpaillage illégal, déplore le chef coutumier des Teko, Simeon Monnerville. «Mon peuple est contaminé par le mercure. On vit avec la pêche mais en ce moment les poissons sont tous contaminés…». Pourtant, les habitants de Campori continuent de se nourrir à partir du fleuve, déterminés à ne pas renoncer à leurs habitudes, tout en continuant à se battre pour que leur cours d’eau soit propre pour les générations futures.

La COP30 a beau se tenir aux portes de leur territoire amazonien, les peuples autochtones de Guyane française peinent à se faire entendre. «On n'a pas l’impression de se faire écouter car la France ne reconnait toujours pas les peuples autochtones de Guyane, donc à la COP, moi, je n’ai pas l’impression de trouver ma place…» dénonce le chef âgé de 31 ans.

Un problème dont se fait la porte-voix Marie-José Lalsie, présidente du Secours catholique de Guyane française, membre de la délégation à la COP30. «L’État français a choisi de ne pas ratifier la convention 169 de l’Organisation internationale du Travail» martèle l’ancienne secrétaire générale du Parti socialiste guyanais. Ratifiée par 23 États, dont 15 États d'Amérique Latine, cette convention serait le seul instrument juridique international contraignant relatif aux peuples indigènes et tribaux, reconnaissant notamment leurs droits collectifs à la terre. La France s’y est opposée car elle juge ce texte anticonstitutionnel.

Le Secours catholique de Guyane française fait partie de la délégation envoyée à la COP.
Le Secours catholique de Guyane française fait partie de la délégation envoyée à la COP.

«Ça serait bien que l’on se penche sur cette particularité, comme l'ont fait les autres pays environnants! Cela ne les [autochtones]empêche pas d’être français, mais que l’on reconnaisse leurs particularités, c’est important!». De par son appartenance aux REPAM, Réseau ecclésial Panamazonien, le Secours catholique guyanais mène un important plaidoyer sur la prise en compte des différences de style de vie en Guyane, tout en garantissant l’équité sociale. «Ce qu’il faut, c’est travailler pour que les peuples aient tout le temps la possibilité de travailler la terre, de chasser, de vivre de manière traditionnelle» souligne la militante, avant d'assurer: «Eux savent protéger la forêt!».

Reportage au cœur de la marche pour le climat à Belém.

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15 novembre 2025, 23:21