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Tchad: sous la pression de la crise soudanaise, la solidarité s’organise au quotidien

Alors que la guerre se poursuit au Soudan, des dizaines de milliers de réfugiés franchissent la frontière tchadienne pour fuir les violences. Dans le vicariat apostolique de Mongo, au Tchad, le missionnaire italien Fabio Mussi, de l’Institut Pontifical des Missions Étrangères, témoigne d’une situation humanitaire alarmante mais aussi d’initiatives locales qui tentent de redonner espoir et autonomie à ces réfugiés soudanais.

Augustine Asta – Cité du Vatican

Le Soudan est en proie à un conflit qui s’est encore aggravé ces dernières semaines. La guerre a en effet connu une nouvelle accélération avec la chute aux mains des paramilitaires, fin octobre, de la ville d’El-Fasher, dernier bastion de l’armée dans le Darfour. Les Forces de soutien rapide (FSR), ont affirmé le 6 novembre, soutenir une proposition internationale de trêve humanitaire, mais ont cependant intensifié leur offensive dans la grande région centrale et stratégique du Kordofan. Depuis avril 2023, le pays fait donc face à une lutte acharnée pour le pouvoir opposant l’armée aux FSR, les deux parties étant accusées d’exactions.

À ce jour, selon les agences onusiennes, le conflit au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts et a déplacé près de 12 millions de personnes. Malgré la perspective d’un cessez-le-feu sous l’égide des États-Unis, la guerre continue de ravager le Soudan, poussant des centaines de milliers de civils à fuir vers les pays voisins, provoquant, selon les Nations unies, la pire crise humanitaire au monde.

Frontières sous tension au Tchad

À l’est du Tchad, par exemple «rien que ces deux derniers mois, environ 200 000 Soudanais ont franchi la frontière», témoigne Fabio Mussi, missionnaire laïc italien du PIME, l’Institut Pontifical des Missions Étrangères, au sein du vicariat apostolique de Mongo. Cette «Église des frontières», est devenue au Tchad l’un des principaux points d’entrée pour les réfugiés fuyant les combats autour d’El-Fasher. «La plupart sont des femmes, des enfants et des personnes âgées. Ils arrivent dans un dénuement total, parfois après plusieurs jours de marche. Leur première préoccupation, c’est de trouver un abri et de quoi manger», explique le frère Fabio Mussi.

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le Tchad accueille désormais plus d’un million de réfugiés soudanais, un chiffre qui continue de croître à mesure que la guerre s’enlise. Sur place, les Nations unies et plusieurs ONG s’efforcent de répondre à l’urgence, mais les ressources manquent. «Il faut reconnaître le travail remarquable des organisations présentes», souligne le missionnaire. Pourtant, note-t-il, la «réduction des aides économiques, notamment américaines, a obligé certaines ONG à revoir leurs interventions à la baisse.»

De l’aide d’urgence à l’autonomie

Sur le terrain, le vicariat apostolique de Mongo et la Caritas locale interviennent dans les camps de réfugiés de Metché et Farchana. Les premières actions depuis le début de la crise en 2023 ont consisté à fournir des biens de première nécessité: nourriture, abris, moustiquaires et matériel de couchage. Après plusieurs mois, les équipes locales ont cherché à dépasser la simple logique de l’assistance. «Nous avons compris que cette aide d’urgence seule ne suffisait pas. Il fallait aider les gens à redevenir autonomes», détaille le missionnaire laïc. 

Redonner la dignité 

Le vicariat a alors commencé à soutenir des projets de jardins potagers, en accompagnant des groupes de femmes réfugiées et de femmes issues des communautés locales tchadiennes. «Nous avons démarré avec une vingtaine de groupes. Aujourd’hui, nous en suivons quarante-cinq. Certaines familles arrivent désormais à vendre une partie de leur production sur les marchés.», raconte-t-il fièrement. Ces initiatives permettent de répondre aux besoins immédiats tout en favorisant l’intégration entre réfugiés et habitants. «Le fait que les groupes soient mixtes aide aussi à réduire les tensions avec les populations locales», observe le missionnaire. «Ces femmes retrouvent une forme de liberté et de dignité. Ce n’est plus seulement une aide reçue, c’est un projet qu’elles mènent elles-mêmes», ajoute-t-il.

«Partager la vie, simplement»

Une solidarité de proximité

L’équipe du frère Fabio Mussi vit au plus près des réfugiés, partageant souvent les mêmes conditions précaires. «Nous dormons sous les tentes, comme eux. Lors des distributions, nous essayons de donner la priorité aux personnes les plus vulnérables: les handicapés, les personnes âgées, les isolés», explique-t-il. Cette présence quotidienne permet de maintenir un lien de confiance, essentiel dans un contexte de survie quotidienne. «Ce que nous faisons est modeste, mais cela montre que, même dans l’urgence, il est possible de trouver des solutions avec les gens, pas seulement pour eux», conclut-il.

“Dans les camps, 99 % des réfugiés sont musulmans. Nous ne faisons pas d’annonce de l’Évangile. Nous partageons simplement la vie avec eux, comme le Pape François nous y avait invité. Nous partageons avec eux ce que nous avons, aussi petit soit-il.”

Entre le désert et les plaines herbeuse de Mongo, les potagers qui verdissent au milieu des tentes, qui abritent les réfugiés soudanais, racontent une autre histoire: celle d’une résilience discrète, d’une solidarité qui, malgré tout, continue de faire vivre l’espoir.

Caritas Mongo sur le terrain pour accompagner des projets de jardins potagers, des groupes de femmes réfugiées et de femmes issues des communautés locales tchadiennes.
Caritas Mongo sur le terrain pour accompagner des projets de jardins potagers, des groupes de femmes réfugiées et de femmes issues des communautés locales tchadiennes.

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14 novembre 2025, 09:26