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À la FAO, le Pape appelle à ne pas sombrer dans l’apathie face aux défis actuels

Léon XIV a participé ce jeudi 16 octobre à la cérémonie d’anniversaire des 80 ans de la FAO, l’agence onusienne basée à Rome qui lutte contre la faim et la malnutrition dans le monde. Dans un discours, prononcé en espagnol et en anglais, le Pape a déploré l'utilisation de la famine comme arme de guerre, et a rappelé l’importance du multilatéralisme pour relever les défis liés à l’alimentation.

Alexandra Sirgant – Cité du Vatican

Devant une assemblée, composée entre autres de la reine d’Espagne, du roi du Lesotho et de l’ancien secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon, Léon XIV a rappelé les ravages persistants de la faim et de la malnutrition dans le monde. «Le cœur du Pape, qui n'appartient pas à lui-même mais à l'Église et, en un certain sens, à toute l'humanité, garde vivante la confiance que, si la faim est vaincue, la paix sera le terrain fertile d'où naîtra le bien commun de toutes les nations» a souligné le Souverain pontife aux participants au forum, organisé par la FAO du 13 au 18 octobre au quartier général de l’agence onusienne à Rome.

Mettre un terme à la faim dans le monde n’incombe cependant pas seulement aux responsables politiques, a mis en garde le Pape. L’ensemble des acteurs sociétaux, allant des agences internationales aux institutions publiques, en passant par la société civile, doivent contribuer à l’éradication de ce fléau, et ne pas tomber dans l’indifférence de la souffrance de l’autre. «Celui qui souffre de la faim n’est pas un étranger. C’est mon frère et je dois l’aider sans tarder» a martelé le Pape.

Éradiquer la faim d’ici 2030

Poursuivant son discours en espagnol, le Saint-Père a réitéré l’objectif commun pour lequel œuvre la FAO, le Saint-Siège et l’ensemble des acteurs réunis à Rome en cette Journée mondiale de l’alimentation, à savoir celui de «mobiliser toutes les énergies disponibles, dans un esprit de solidarité, afin que personne dans le monde ne manque de nourriture, tant en quantité qu'en qualité». Rappelant l’objectif «Faim zéro» que la FAO souhaite atteindre à l’horizon 2030, le Pape a souligné le besoin d’une volonté renouvelée pour y arriver, dépassant «les déclarations solennelles». «C'est précisément pour cette raison qu'aujourd'hui, avec une urgence renouvelée, nous sommes appelés à répondre à une question fondamentale: où en sommes-nous dans la lutte contre le fléau de la faim qui continue de frapper atrocement une partie importante de l'humanité?» a interrogé le Pape.

Un échec collectif, une aberration éthique, une faute historique

673 millions de personnes dans le monde se couchent en ayant faim, et 2,3 milliards de personnes n’ont pas accès à une alimentation adéquate, selon les dernières estimations de la FAO. Des statistiques rappelées par le Pape qui souligne toutefois que «derrière chacun de ces chiffres se cache une vie brisée, une communauté vulnérable, des mères qui ne peuvent pas nourrir leurs enfants». Des enfants qui, en raison de la faim, contractent des maladies et connaissent un retard dans leur développement moteur et cognitif. Tant d’éléments qui ne sont «pas un hasard» selon Léon XIV, «mais le signe évident d'une insensibilité dominante, d'une économie sans âme, d'un modèle de développement discutable et d'un système de distribution des ressources injuste et insoutenable».

“À une époque où la science a prolongé l'espérance de vie, où la technologie a rapproché les continents et où le savoir a ouvert des horizons autrefois inimaginables, laisser des millions d'êtres humains vivre – et mourir – victimes de la faim est un échec collectif, une aberration éthique, une faute historique.”

La famine comme arme de guerre

Aux défis structurels s’ajoutent la réapparition de l’utilisation de la nourriture comme arme de guerre, «contredisant ainsi tout le travail de sensibilisation mené par la FAO au cours des huit dernières décennies». «Le consensus exprimé par les États, qui considèrent comme un crime de guerre la famine délibérée, ainsi que le fait d'empêcher intentionnellement l'accès à la nourriture à des communautés ou à des peuples entiers, semble s'éloigner de plus en plus» a déploré le Pape, rappelant pourtant la condamnation à l’unanimité de telles pratiques par le Conseil de sécurité des Nations unies en 2018

«Tout cela semble avoir été oublié, regrette Léon XIV, car nous assistons avec douleur à l'utilisation continue de cette stratégie cruelle qui condamne des hommes, des femmes et des enfants à la faim en leur refusant le droit le plus élémentaire: le droit à la vie». Face à ce constat, le Saint-Père a enjoint chacun à redoubler «d’enthousiasme pour remédier à ce scandale!».

“Ne nous arrêtons pas en pensant que la faim n'est qu'un problème à résoudre. C'est bien plus que cela. C'est un cri qui monte vers le ciel et qui exige une réponse rapide de chaque nation, de chaque organisme international, de chaque instance régionale, locale ou privée. Personne ne peut rester en marge de la lutte acharnée contre la faim.”

Un appel à la responsabilité individuelle et collective

Le Pape a poursuivi en dénonçant l’apathie de chacun face à la violence déchirante qui peuple le monde actuel, «si douloureux et désolant à cause des conflits qui l'affligent». Ainsi, «les tragédies humanitaires bien connues de tous devraient nous inciter à être des artisans de paix» et inviter chacun à se demander avec «lucidité et courage»: «les générations futures méritent-elles un monde qui n'est pas capable d'éradiquer une fois pour toutes la faim et la misère?». Déplorant la polarisation des responsables politiques et sociaux, qui gaspillent «leur temps et leurs ressources dans des discussions inutiles et virulentes», le Saint-Père invite à dépasser les intérêts partisans ainsi que le paradigme politique qui «remplace la personne par le profit».

Le multilatéralisme comme unique solution

Dans ce contexte historique marqué par de profondes divisions et contradictions, le thème de la Journée mondiale de l’alimentation «Main dans la main pour des aliments et un avenir meilleur» résonne tout particulièrement selon le Pape. «Permettez-moi de souligner sans détours l'importance du multilatéralisme face aux tentations néfastes qui tendent à s'ériger en autocraties dans un monde multipolaire et de plus en plus interconnecté», a martelé Léon XIV. Cependant, les modalités de la coopération internationale doivent être repensées, selon le Pape, afin que la voix des pays les plus pauvres soit entendue «sans filtre» et prise en compte dans la résolution de leurs problèmes, «sans leur imposer des solutions élaborées dans des bureaux lointains, lors de réunions dominées par des idéologies qui ignorent souvent les cultures ancestrales, les traditions religieuses ou les coutumes profondément enracinées dans la sagesse des anciens».

Passant de l’espagnol à l’anglais, le Pape a appelé à ne pas oublier tous ceux qui sont «condamnés à la mort et à la souffrance en Ukraine, à Gaza, en Haïti, en Afghanistan, au Mali, en République centrafricaine, au Yémen et au Soudan du Sud, pour ne citer que quelques-uns des endroits de la planète où la pauvreté est devenue le lot quotidien de tant de nos frères et sœurs». Invitant la communauté internationale à ne pas détourner le regard, le Saint-Père a enjoint chacun à se libérer de «l'apathie qui justifie la faim comme s'il s'agissait d'une musique de fond à laquelle nous nous sommes habitués, d'un problème insoluble ou simplement d'une responsabilité qui incombe à d'autres».

À la faim du pain s’ajoute «une faim de foi, d'espérance et d'amour qui doit être canalisée dans la réponse globale que nous sommes appelés à donner ensemble» a assuré le Pape en concluant son discours. «Ce que Jésus a dit à ses disciples devant une foule affamée reste un défi fondamental et urgent pour la communauté internationale: «Donnez-leur vous-mêmes à manger» (Mc 6, 37). «Avec la petite contribution des disciples, Jésus a accompli un grand miracle» a rappelé le Saint-Père«Ne vous lassez donc pas de demander aujourd'hui à Dieu le courage et l'énergie nécessaires pour continuer à œuvrer en faveur d'une justice qui produise des résultats durables et bénéfiques».

Les quatre-vingt ans d’histoire de l’organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), célébrés ce jeudi, ont été marqués par les visites de nombreux Souverains pontifes, la dernière remontant à celle du Pape François, il y a huit ans, le 16 octobre 2017. La FAO fut la première institution des Nations unies avec laquelle le Saint-Siège a établi des relations diplomatiques régulières.

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Lors de la visite du Pape Léon XIV à la FAO.
16 octobre 2025, 11:28