Prière œcuménique à Iznik: Nicée invite les chrétiens à s’unir face à la violence
Alexandra Sirgant – Cité du Vatican
Contrairement à la basilique Saint-Néophyte, détruite par un tremblement de terre en 740 et engloutie par les eaux du lac d’Iznik, l’héritage du premier concile œcuménique de l’histoire de l’Église a su traverser les siècles. 1700 ans plus tard, son Credo a été récité en chœur sur les lieux même où il a été formulé pour la première fois, par les chefs des Églises et les représentants des communautés chrétiennes mondiales, ce vendredi 28 novembre.
Près des vestiges archéologiques de l’ancienne basilique byzantine, à 130 km au sud-est d'Istanbul, et dans un silence solennel conféré par l’historicité de l’instant, le Pape Léon XIV et le patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée Ier ont prié aux côtés de leurs frères chrétiens devant les icônes représentant le Christ et les participants du Concile.
Parmi les patriarches présents, ceux du patriarcat syriaque orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient, du patriarcat copte-orthodoxe d’Alexandrie, du patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem, du patriarcat grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient mais aussi les représentants de l’Église apostolique arménienne. Sans oublier le monde protestant, avec la Communion anglicane, la Fédération luthérienne mondiale, l’Alliance évangélique mondiale ou la Conférence mennoniste mondiale. Toutes ces voix ont énoncé à l'unisson le Credo de Nicée-Constantinople, sans prononcer le Filioque.
«Nous sommes profondément émus que vous ayez tous répondu positivement à notre humble invitation à honorer, à travers ce pèlerinage commun, la mémoire et l'héritage du premier concile œcuménique qui s'est tenu ici à Nicée il y a dix-sept cents ans» a déclaré dans son discours de bienvenue Bartholomée Ier. «Nous ne sommes pas réunis ici simplement pour nous souvenir du passé ou pour réfléchir uniquement à l'histoire» a précisé le chef de l’Église orthodoxe de Constantinople, à l’origine de l’initiative. «Nous sommes ici pour témoigner de la même foi que celle exprimée par les Pères de Nicée». Convoqués par l’empereur romain Constantin Ier, les Pères du Concile se réunirent en 325 dans l’actuelle ville d’Iznik pour condamner l’arianisme et proclamer la foi dans le salut en Jésus-Christ et dans le Dieu unique, Père, Fils et Saint-Esprit. «Nous revenons à cette source de la foi chrétienne afin d'aller de l'avant» a souligné le patriarche.
La divinité du Christ
Après la lecture de l’Évangile selon saint Jean, le Pape a prononcé son discours en anglais. «En cette période dramatique à bien des égards, où les personnes sont soumises à d’innombrables menaces contre leur dignité, le 1700e anniversaire du premier Concile de Nicée est une précieuse occasion pour nous demander qui est Jésus-Christ dans la vie des femmes et des hommes d’aujourd’hui, qui est-Il pour chacun de nous» a souligné le Saint-Père. «Cette question, a poursuivi Léon XIV, interpelle tout particulièrement les chrétiens qui risquent de réduire Jésus-Christ à une sorte de chef charismatique ou de surhomme, une déformation qui conduit en définitive à la tristesse et à la confusion».
«En niant la divinité du Christ, Arius l’avait réduit à un simple intermédiaire entre Dieu et les êtres humains, ignorant la réalité de l’Incarnation, de sorte que le divin et l’humain restaient irrémédiablement séparés» a expliqué le Saint-Père. «Mais si Dieu ne s’est pas fait homme, comment les mortels peuvent-ils participer à sa vie immortelle? C’était l’enjeu à Nicée et c’est l’enjeu aujourd’hui: la foi en Dieu qui, en Jésus-Christ, s’est fait comme nous pour nous rendre "participants de la nature divine"».
Unis en Jésus-Christ
«Cette confession de foi christologique revêt une importance fondamentale dans la marche des chrétiens vers la pleine communion» a souligné le Saint-Père, tout en précisant que celle-ci est partagée par toutes les Églises et communautés chrétiennes dans le monde, y compris celles qui n’utilisent pas le Credo de Nicée-Constantinople dans leurs liturgies. Le Pape augustin a poursuivi son discours en citant son père spirituel, l’évêque d'Hippone: «nous pouvons dire que "bien que nous chrétiens soyons nombreux, dans le Christ unique, nous sommes un"» (Exposition sur le Psaume 127).
«Partant de la conscience que nous sommes déjà unis par ce lien profond», l’Évêque de Rome a invité chacun à «surmonter le scandale des divisions qui malheureusement existent encore, et à nourrir le désir de l’unité pour laquelle le Seigneur Jésus a prié et donné sa vie». «Plus nous sommes réconciliés, plus nous, chrétiens, pouvons rendre un témoignage crédible à l’Évangile de Jésus-Christ, qui est une annonce d’espérance pour tous, un message de paix et de fraternité universelle dépassant les frontières de nos communautés et de nos nations» a assuré Léon XIV, faisant siens les mots prononcés par son prédécesseur argentin lors d’une session plénière du conseil pontifical pour la Promotion de l’unité des chrétiens le 6 mai 2022.
Réconcilier l’humanité, rejeter le fanatisme religieux
Mais ce désir d’une pleine communion entre tous les croyants en Jésus-Christ dépasse le monde chrétien. Il s’accompagne «toujours de la recherche de la fraternité entre tous les êtres humains» martèle Léon XIV. «Dans le Credo de Nicée, nous professons notre foi "en un seul Dieu, le Père"; cependant, il ne serait pas possible d’invoquer Dieu comme Père si nous refusions de reconnaître comme frères et sœurs les autres hommes et femmes, eux aussi créés à l’image de Dieu». Si la fraternité et la sororité universelles transcendent les différences ethniques, culturelles ou religieuses, les religions «sont dépositaires de cette vérité et devraient encourager les personnes, les groupes humains et les peuples à la reconnaître et à la pratiquer».
«L’utilisation de la religion pour justifier la guerre et la violence, comme toute forme de fondamentalisme et de fanatisme, doit être rejetée avec force, tandis que les voies à suivre sont celles de la rencontre fraternelle, du dialogue et de la collaboration» a encore exhorté le Pape. Le Saint-Père a conclu son discours en s’en remettant à Dieu: «Que Dieu le Père, tout-puissant et miséricordieux, écoute la prière fervente que nous Lui adressons aujourd’hui et qu’Il accorde à cet anniversaire important de porter des fruits abondants de réconciliation, d’unité et de paix».
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