Le Pape exhorte les Libanais à s'unir pour que leur terre retrouve sa splendeur
Fabrice Bagendekere, SJ – Cité du Vatican
Après avoir effectué une prière silencieuse au port de Beyrouth, théâtre d'un souvenir douloureux pour le peuple libanais, où des centaines de personnes sont mortes et des milliers d'autres ont été blessées lors de l’explosion du 4 août 2020, le Pape a conclu l'étape libanaise de son voyage par une célébration eucharistique sur le «Beirut Waterfront», le front maritime de la capitale. En présence de centaines de milliers de croyants bahá'ís, bouddhistes, hindouistes, musulmans, juifs, protestants, orthodoxes et, bien sûr, catholiques maronites ou latins, le Saint-Père a rendu grâce au Seigneur «pour les nombreux dons de sa bonté, pour la manière dont Il se rend présent au milieu de nous, pour la Parole qu’Il nous offre en abondance» et surtout pour ce qu’Il leur a donné de «vivre ensemble» pendant ces trois «journées intenses», «partagées dans la joie». Aussi, a-t-il associé ces louanges à celles du Christ qui, dans l’Évangile proposé par la liturgie du jour «a des paroles de gratitude envers le Père»: «Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange».
Opposer la louange et la gratitude au mal et à la souffrance
Poursuivant, le Pape a souligné que «la louange ne trouve pas toujours sa place en nous». Il a expliqué que parfois, «accablés par les difficultés de la vie, préoccupés par les nombreux problèmes qui nous entourent, paralysés par l’impuissance face au mal et opprimés par tant de situations difficiles, nous sommes davantage portés à la résignation et à la plainte qu’à l’émerveillement du cœur et à l’action de grâce». Aussi, le Pape s’est directement adressé au peuple libanais, «les destinataires d’une beauté rare dont le Seigneur a enrichi votre terre et qui, en même temps, êtes les spectateurs et les victimes de la manière dont le mal, sous de multiples formes, peut obscurcir cette magnificence». C’est ici qu’il les a invités à «cultiver toujours des attitudes de louange et de gratitude», malgré le mal dont ils peuvent être «les spectateurs et les victimes».
Une beauté assombrie par les souffrances et blessures de l’histoire
Le Pape a attesté de la beauté du Liban, telle que «chantée dans les Écritures». À la suite des psalmistes et de l’auteur du Cantique des cantiques, ou encore du prophète Isaïe, le Pape a affirmé que vraiment le Seigneur a planté dans ce pays «ses hauts cèdres, les nourrissant et les rassasiant», «Il a parfumé les vêtements de l’épouse du Cantique des Cantiques avec le parfum de cette terre», et «à Jérusalem, ville sainte revêtue de lumière pour la venue du Messie, Il a annoncé: ‘‘La gloire du Liban viendra chez toi: cyprès, orme et mélèze ensemble, pour faire resplendir le lieu de mon sanctuaire ; et ce lieu où je pose mes pieds, je le glorifierai’’».
En même temps, le Souverain pontife a reconnu que «cette beauté est assombrie par la pauvreté et les souffrances, par les blessures» qui ont marqué l’histoire récente du pays, évoquant l’explosion du port de Beyrouth et les nombreux problèmes qui affligent le pays, «par un contexte politique fragile et souvent instable, par la crise économique dramatique qui vous oppresse, par la violence et les conflits qui ont réveillé d’anciennes peurs». Dans un tel contexte, a admis le Saint-Père, «la gratitude cède facilement la place au désenchantement, le chant de louange ne trouve pas sa place dans la désolation du cœur, la source de l’espérance est asséchée par l’incertitude et la désorientation».
Reconnaître le germe qui pousse
Toutefois, le Souverain pontife invite à ne pas se résigner. Bien au contraire, il a rappelé que «la Parole du Seigneur (..) nous invite à trouver les petites lumières qui brillent au cœur de la nuit, pour nous ouvrir à la gratitude et pour nous inciter à nous engager ensemble en faveur de cette terre». Il a expliqué, s’appuyant sur l’Évangile du jour, que «Jésus ne rend pas grâce au Père en raison des œuvres extraordinaires, mais parce qu’Il révèle sa grandeur précisément aux petits et aux humbles, à ceux qui n’attirent pas l’attention, qui semblent compter peu ou pas du tout, ceux qui n’ont pas de voix». Selon Léon XIV, le Royaume que Jésus vient inaugurer a cette caractéristique d’être «un germe, un petit rameau qui pousse sur un tronc, une petite espérance qui promet la renaissance quand tout semble mourir». Et ainsi, pour le Vicaire du Christ, nous devons avoir «le regard assez clairvoyant pour reconnaître la petitesse du germe qui pousse et grandit même au sein d’une histoire douloureuse».
Dieu ne nous laisse pas vaciller
Le Pape a mis en évidence quelques signes sur lequel les fidèles libanais peuvent s’appuyer pour continuer nourrir l’espérance au sein de leur communauté. Il a souligné leur «foi simple et authentique, enracinée dans vos familles et nourrie par les écoles chrétiennes» ; le «travail constant des paroisses, des congrégations et des mouvements pour répondre aux demandes et besoins des gens» ; «les nombreux prêtres et religieux qui se dépensent dans leur mission au milieu de multiples difficultés», mais aussi «les laïcs, engagés dans le domaine de la charité et de la promotion de l’Évangile dans la société». Pour le Saint-Père, «ces lumières qui tentent avec peine d’éclairer l’obscurité de la nuit» sont des signes que «Dieu ne nous laisse pas vaciller». Aussi a-t-il rendu grâce au Seigneur pour sa «Présence» parmi ce peuple, dans les moments de grande aridité.
La gratitude doit conduire à la conversion de la vie
Néanmoins, le Souverain pontife a avisé que «cette gratitude ne doit pas être une consolation intimiste et illusoire». Bien au contraire, a-t-il affirmé, «elle doit nous conduire à la transformation du cœur, à la conversion de la vie, à considérer que c’est précisément dans la lumière de la foi, dans la promesse de l’espérance et dans la joie de la charité que Dieu a pensé notre vie». Il a ainsi renouvelé son appel à ne pas se décourager, mais aussi à «ne pas céder à la logique de la violence et à l’idolâtrie de l’argent», à ne pas «se résigner face au mal qui se répand».
Travailler à l’avènement d’un royaume de paix et de fraternité
Le Saint-Père a par ailleurs invité les Libanais à «unir les efforts pour que cette terre retrouve sa splendeur». Selon le Saint-Père, il n’y a qu’un moyen de le faire, travailler pour l’avènement d’un Liban où «puisse se réaliser ce que nous décrit le prophète Isaïe: ‘‘le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble’’». «Désarmons nos cœurs, faisons tomber les armures de nos fermetures ethniques et politiques, ouvrons nos confessions religieuses à la rencontre réciproque, réveillons au plus profond de nous-mêmes le rêve d’un Liban uni, où triomphent la paix et la justice, où tous puissent se reconnaître frères et sœurs», a proclamé le Souverain pontife, haut et fort, à la fin de son homélie.
Tel est le donc rêve que le Pape a confié au peuple libanais, «c’est ce que le Dieu de la paix met entre vos mains», leur a-t-il dit, scandant «Liban, relève-toi ! Sois une maison de justice et de fraternité ! Sois une prophétie de paix pour tout le Levant !».
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