1700 ans après Nicée: l'espoir d'une célébration commune de Pâques
Entretien réalisé par Marie Duhamel - Cité du Vatican
70 pages dans un esprit de louange, pour rendre grâce 1700 ans après le Concile de Nicée, quand des évêques représentant toute l’Église confirmèrent les dogmes fondamentaux, unissant les chrétiens, sur la nature du Christ et de la Trinité. Ce jeudi 3 avril, sollicitée par le Pape François, la commission théologique internationale a publié un dense document destiné en particulier aux théologiens et évêques pour nourrir leur réflexion et encourager à redécouvrir l’importance de ce moment historique. Intitulé «Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur», ce texte rappelle le sens fondamental du Credo, fruit du Concile de Nicée, et met en évidence ses ressources extraordinaires, dans une perspective d'évangélisation. Il y est également formulé un espoir, celui de voir un jour tous les chrétiens célébrer Pâques à la même date.
Entretien avec l'un des rédacteurs du document, Mgr Etienne Vetö, évêque auxiliaire de Reims.
L’Église célèbre en cette année jubilaire l’anniversaire du premier Concile œcuménique, qui s’est tenu à partir de 325 à Nicée. Ce document s’attache à rendre grâce au dogme de Nicée. Pourquoi cet esprit de louange?
Notre orientation a été celle de la louange, car il s’agit d’une célébration de ce Concile qui s’est tenu il y a 1700 ans cette année et qui dit le cœur de notre foi. C’est là qu'a vraiment été définie, de manière ferme, la divinité de Jésus, et le fait que Dieu soit un et trois: un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. D'autre part, c'est un concile qui est reconnu par presque tous les chrétiens du monde entier donc c'est vraiment un point d'unité particulièrement fort.
Avec le Concile de Nicée, Constantin a voulu répondre à la crise provoquée alors par l'arianisme, qui conteste la pleine divinité de Jésus. À Nicée, la vision trinitaire de la foi est confirmée. Doit-elle l’être encore aujourd’hui?
Je pense que oui, dans le sens où la Trinité est vraiment le Dieu amour, le Dieu qui est relation. Le fait qu'on puisse dire que le Christ est Dieu signifie que c'est Dieu lui-même qui vient nous sauver. Il n'envoie personne d'autre car nul autre que Dieu nous sauve. Et le fait que Dieu se soit fait homme pour nous sauver, souligne également l’immense dignité de la personne humaine.
Les conséquences en sont capitales. Par exemple, à partir du moment où on peut définir la très grande dignité de l'être humain, Dieu lui-même qui assume une humanité, on peut insister sur l'égalité de tous les êtres humains. Il y a une dimension politique aussi, dans un sens. Arius pensait que le Christ était une forme de super créature, de sur-créature, et il peut y avoir un risque en politique de poser les leaders politiques sur un piédestal, d'en faire des sortes de super créatures. Là, la foi chrétienne nous dit que tous les êtres humains sont égaux.
Certains éprouvent une difficulté à admettre la pleine humanité du Christ...
Je pense qu'il faut insister sur les deux aspects du Christ. Nicée nous permet de dire, et ce sera défini encore plus précisément au concile de Chalcédoine en 451, que le Christ est vrai Dieu et vrai homme. Nous en avons vraiment besoin.
Nous avons vraiment besoin d'être sauvés par Dieu lui-même et nous avons vraiment besoin d'un Dieu qui connaisse l'être humain jusqu'au fond, jusqu'à la dernière cellule. Aucun être humain n'est aussi beau, ne redonne autant de force que le Christ. Et encore une fois, c’est toujours parce qu'il est Dieu et homme. Je pense que l'évangélisation se base là-dessus.
Le Credo, proclamation de la foi dans le Salut en Jésus, est le fruit du Concile de Nicée. Le document auquel vous avez contribué se penche sur sa réception dans la pratique religieuse. Est-ce la même hier et aujourd’hui?
Avant tout, il est très beau de voir que le Credo de Nicée-Constantinople est actuellement redécouvert, et beaucoup récité. La récitation du Credo nous met, il est vrai, en continuité avec des générations et des générations de chrétiens. Et cela nous permet de voir que le cœur est vraiment le même. C'est celui du Salut.
Il y a aussi la dimension de l'unité, c'est-à-dire que l'Église s'est rendue compte qu'elle avait besoin et qu'elle avait le devoir d'être unie autour de la foi. Il me semble qu’il s’agit de quelque chose de très actuel, dans le sens où il y a de nombreuses manières de vivre la foi catholique, et la foi chrétienne. Mais là, nous sommes d'accord sur le cœur de la foi et cela nous permet de faire l’unité dans notre diversité.
Avant d’en venir à l’unité des chrétiens, concernant le Credo, vous insistez dans ce document sur la manière dont il rend accessible la foi à tous.
La foi chrétienne, n'est pas seulement la foi des théologiens, c'est la foi de tous. Donc le fait d'avoir une confession de foi claire permet d'avoir un point de repère, pour tous. De même, le fait que ce Credo ait été intégré à la liturgie le rend accessible à tous.
Le Credo est un point de repère partagé par tous les chrétiens. Dans ce document vous soulignez que «ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise» et formulez l'espoir de célébrer Pâques le même jour- ce qui fut fixé en partie grâce à Nicée avant la réforme de Grégoire XIII. Pourquoi est-ce opportun ou nécessaire?
J'ai vécu à Jérusalem où des chrétiens fêtent Pâques à des dates différentes, bien qu’ils vivent dans les mêmes quartiers, proches les uns des autres, et parfois dans la même famille. On voit à quel point cela constitue une difficulté de ne pas pouvoir vivre cette fête de la Résurrection en même temps. C’est un contre-témoignage. Les musulmans ou les juifs, souvent, s'étonnent du fait que les chrétiens n'arrivent pas à célébrer Pâques ensemble.
Le plus important est que nous ayons une foi commune, mais il y a plusieurs enjeux à avoir une date commune: un enjeu interne, un enjeu concernant le regard qui se pose sur l'Église, et un enjeu qui touche au rôle de l'Église. Un de ses rôles est de promouvoir l'unité de la société, de l'être humain, du monde. Ce serait un grand apport en ce sens d'avoir une date de Pâques commune. Ce sera alors le signe de notre unité.
Cette année, en 2025, c’est le cas. C'est un hasard de calendrier, mais c'est peut-être aussi providentiel.
Enfin, en novembre, le Pape rappelait lors d’une audience avec la Commission théologique que le Concile de Nicée est "le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain", citant Lumen Gentium. Peut-on dire que Nicée a inspiré François, lui qui propose un chemin synodal à l’Église ? Est-ce une actualisation de Nicée ?
Le Concile de Nicée est le résultat d'un processus où l'Église mettaient en œuvre sa synodalité. À l’époque, le mot synode et le mot concile avaient le même sens.
Il y a eu des synodes pendant tous les premiers siècles et la nouveauté de Nicée est que pour la première fois il s’agit d’un synode qui touche toute l'Église, ensemble. Donc, concernant le Pape François, je pense que c'est toute la démarche des premiers siècles qui l’a inspiré, Nicée étant un exemple majeur de cette démarche.
Pensez-vous que le processus synodal entamé par l'Église catholique puisse être un premier pas vers l'aboutissement d'un synode qui inclut tous les chrétiens?
Ce serait vraiment magnifique. Un des plus beaux fruits de cet anniversaire de ces 1700 ans du Concile de Nicée serait d’encourager toutes les Églises et communautés ecclésiales à désirer un Concile qui fasse l’unité visible des chrétiens– et je pense que cela est sans doute possible au cours du XXIe siècle.
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