Début du procès en appel pour la gestion des fonds du Saint-Siège
Vatican News
Dans une nouvelle salle, sous un nouveau pontificat, 644 jours après le jugement en première instance, le procès en appel pour la gestion des fonds du Saint-Siège s'ouvre ce lundi 22 septembre, au Vatican. Le procès en première instance s’était déroulé de juillet 2022 au 16 décembre 2023 et s’était conclu par la condamnation de dix accusés pour des délits allant, entre autres, de l'escroquerie à la corruption.
Le procès en première instance
Au cœur de l'affaire se trouve l'achat d'un immeuble dans un quartier «branché» de Londres, une opération qui, selon le jugement rendu en première instance par le tribunal du Vatican alors présidé par Giuseppe Pignatone, aurait fait perdre au moins 139 millions d'euros aux caisses du Vatican. Le Pape Léon XIV lui-même en a fait mention lors de sa première interview publiée le 18 septembre, lorsqu'il a déclaré, à propos de la situation financière du Vatican: «L'achat de cet immeuble à Londres, sur Sloane Avenue, a été largement médiatisé, et plusieurs millions ont été perdus en conséquence!».
D'autres pistes d'enquête -concernant des versements à une coopérative en Sardaigne et à une manager, Francesca Immacolata Chaouqui, qui a dépensé en biens de luxe l'argent reçu pour la libération de religieux pris en otage- se sont entremêlées dans ce que la plupart des médias internationaux ont qualifié de «procès du siècle», en référence à sa durée (86 audiences, un record entre les murs du Vatican), à sa complexité et au fait que, pour la première fois, un cardinal, Giovanni Angelo Becciu, était assis sur le banc des accusés.
«Motifs supplémentaires»
Le cardinal Becciu, condamné en première instance par le tribunal de la Cité du Vatican à une peine de cinq ans et six mois d'emprisonnement, fait partie de ceux qui ont fait appel du jugement de 2023. Depuis, une série de messages, publiés dans un quotidien italien ont ravivé tout l’intérêt pour l’enquête. Il s’agit d’une série d’échanges entre deux femmes, Francesca Immacolata Chaouqui et Genoveffa Ciferri, toutes deux entendues comme témoins car liées de différentes manières à Mgr Alberto Perlasca, ancien directeur du Bureau administratif de la Secrétairerie d'État, dont les déclarations auraient donné lieu à l'enquête qui s'est conclue par le renvoi devant le tribunal. Ce prélat n'a pourtant pas été considéré comme un témoin fiable par la cour.
Au cours du procès de 2022-23, la défense de certains prévenus a affirmé que les deux femmes, dont l'une se faisait passer pour un magistrat âgé, avaient influencé Mgr Perlasca dans ses choix et ses déclarations. Tout cela se serait produit via des échanges sur WhatsApp; sur certains d'entre eux, le procureur Alessandro Diddi (également procureur dans le procès en appel) a apposé des omissis pour ce qu'il a lui-même qualifié de raisons de sécurité et de régularité du procès. La question a été soulevée à plusieurs reprises par les avocats de la défense au cours des 86 audiences.
L’affaire rebondit donc avec l’envoi de ces mêmes conversations par Genoveffa Ciferri à l'un des accusés, le financier Raffaele Mincione, qui les aurait transmises à un rapporteur spécial de l'ONU. Les conversations ont ensuite été publiées dans leur intégralité dans le quotidien italien Domani et dans d'autres médias. Selon la défense, elles montreraient que le mémoire et les interrogatoires de Mgr Perlasca sont le fruit d'une machination au détriment du cardinal Becciu, qui impliquerait, outre Francesca Immacolata Chaouqui, des fonctionnaires de l'État de la Cité du Vatican. Beaucoup ont crié au scandale, arguant que l’enquête et, par conséquent, le procès entier a été «pollué» par des influences et des triangulations, sur des tons qui semblent également faire référence à des vengeances personnelles. Pourtant, les motivations du jugement du tribunal du Vatican expliquent bien que ces échanges via messageries n’ont pas eu d’influence sur le verdict.
Les «Rescripta»
La question des «Rescripta» du Pape François, intervenus au cours de l'enquête et qui en auraient modifié les modalités en conférant des pouvoirs exceptionnels aux procureurs, reste en revanche plus complexe. Ces interventions du Souverain pontife, qui détient le pouvoir législatif dans l'État de la Cité du Vatican, ont été vivement contestées par les avocats de la défense car, selon eux, elles auraient permis au procureur -entre autres- de sélectionner à sa discrétion les actes à remettre aux parties adverses, qui plus est remplis d'omissis.
Cette question a suscité un large débat interne et externe sur le principe de la séparation des pouvoirs dans l'État du Vatican et le droit à la défense. Si l'indépendance de la magistrature vaticane a été «expressément reconnue» par de nombreuses autorités judiciaires étrangères, dont la Cour de cassation italienne et le Tribunal pénal fédéral suisse, les avocats de la défense -en premier lieu l'avocat du financier Enrico Crasso, Maître Luigi Panella– ont tenté de soutenir que cette indépendance aurait été compromise par les interventions «multiples» et «singulières» du Souverain pontife, adoptées d'ailleurs «sans préavis» et au «détriment de la liberté des accusés».
Pour sa part, le procureur Alessandro Diddi a toujours expliqué que les Rescripta «avaient pour fonction de réglementer des activités qui, autrement, n'étaient pas réglementées» et qu'ils constituaient donc «une garantie pour tous ceux qui ont subi ce type d'activités». Une ordonnance du président du tribunal Giuseppe Pignatone du 1er mars 2022, rejetant les exceptions d'irrecevabilité du renvoi devant la justice soulevées par les avocats de la défense, abordait et approfondissait la question, réaffirmant qu'avec les «Rescripta» présents et applicables à la procédure, «aucune violation des principes de légalité et de réserve de loi ne peut être constatée». Et dans un autre point concernant les motivations du jugement, il est souligné que «les garanties d'un procès équitable» ont été «pleinement respectées par la justice vaticane».
Procès en appel
Une nouvelle phase débute donc ce lundi. Ce premier jour est consacré à la lecture du magistrat rapporteur, puis chaque partie présente les motivations de l'appel. Outre le cardinal Becciu, d’autres accusés ont fait appel: Enrico Crasso, ancien conseiller financier de la Secrétairerie d'État (condamné en première instance à 7 ans d'emprisonnement et 10 000 euros d'amende, interdiction perpétuelle des fonctions publiques); Raffaele Mincione (5 ans et 6 mois, plus 8 000 euros d'amende et interdiction perpétuelle des fonctions publiques); l'ancien employé du bureau administratif de la Secrétairerie d'État, Fabrizio Tirabassi (7 ans d'emprisonnement, 10 000 euros d'amende et interdiction perpétuelle des fonctions publiques); l'avocat Nicola Squillace (un an et 10 mois d'emprisonnement, peine suspendue pendant cinq ans); le courtier Gianluigi Torzi (6 ans et 6 000 euros d'amende, plus interdiction perpétuelle des fonctions publiques et soumission, conformément à l'article 412 du Code pénal, à une surveillance spéciale pendant un an); la manager Cecilia Marogna (trois ans et 9 mois et interdiction temporaire pour la même période).
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