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Le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d'État du Saint-Siège. Le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d'État du Saint-Siège. 

Cardinal Parolin: Léon XIV en messager de dialogue et de paix au Moyen-Orient

La Turquie et le Liban attendent Léon XIV. Le Secrétaire d'État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, réaffirme l'importance centrale de ce voyage sur le plan œcuménique et interreligieux, ainsi que comme signe d'espérance et de paix. Le cardinal souligne le rôle fondamental des chrétiens dans la vie sociale, économique, culturelle et politique au Moyen-Orient, souhaitant qu'ils puissent rester sur leur terre.

Massimiliano Menichetti – Cité du Vatican

Tout est prêt en Turquie et au Liban pour l'arrivée de Léon XIV. Le premier voyage apostolique international du Pape américain s'ouvre sous le signe du témoignage et de la rencontre. Le successeur de Pierre s'envole pour le Moyen-Orient afin de confirmer la foi et d'apporter la beauté du Christ qui sauve l'humanité tout entière. L'attente est grande parmi les communautés catholiques, et au-delà, dans ces deux pays situés sur des continents qui n'ont pas été épargnés par les guerres et les violences, mais qui ont néanmoins su construire, souvent au prix de nombreuses souffrances et contradictions, des voies de dialogue, d'accueil et de paix. Les deux devises choisies pour la visite: «Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême» et «Heureux les artisans de paix» soulignent le cœur de ces deux étapes, placées sous le signe de l'espérance, de l'unité et de la fraternité. Le voyage en Turquie sera centré sur la célébration œcuménique des 1 700 ans du Concile de Nicée, tandis qu'au pays du cèdre, l'un des moments les plus émouvants sera la prière silencieuse au port de Beyrouth, où le 4 août 2020, une explosion a tué plus de 200 personnes et en a blessé 7 000 autres. Pour le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d'État du Saint-Siège, la visite du Pape apportera espérance, paix et un nouvel élan aux chrétiens du Moyen-Orient.

Il s'agit du premier voyage apostolique de Léon XIV. La Turquie et le Liban sont deux étapes, deux aspirations que François avait également à cœur. Comment le Pape se prépare-t-il à partir?

Le Pape reprend don bâton de pèlerin. Avant lui, il y a eu Paul VI, puis Jean-Paul II, Benoît XVI et François. Lui aussi marche donc sur les traces de ses prédécesseurs. J'imagine que ce sera un voyage très attendu, d'autant plus qu'il s'agit du premier de son pontificat. Il l'entreprend avec les sentiments qui ont toujours accompagné les Souverains pontifes dans l'exercice de leur ministère pétrinien: aller à la rencontre des communautés chrétiennes des différents pays et les affermir dans la foi, car telle est la mission du Successeur de Pierre, et, en même temps, rencontrer les peuples, les autorités, les communautés civiles et être pour eux un messager de paix, d'harmonie et de dialogue. J'imagine la joie et l'impatience qui l'animeront à l'idée d'accomplir les missions qui lui sont confiées.

Le voyage en Turquie est axé sur le 1 700e anniversaire du Concile de Nicée. Quelle signification revêtent cet anniversaire et la présence du Pape pour l'Église aujourd'hui?

C’est un anniversaire très important, préparé de longue date pour en souligner la portée. Par sa présence, le Pape souhaite également le signifier. 1 700 ans se sont écoulés depuis le Concile de Nicée, concile qui a posé les fondements de notre foi, la foi en Jésus-Christ, en sa pleine divinité et en sa pleine humanité; Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme. C’est le fondement de la foi de tous les chrétiens, malgré, malheureusement, les nombreuses divisions qui subsistent parmi nous. Cependant, nous croyons tous en la divinité et l’humanité de Jésus-Christ. C’est le fondement de notre foi, qui a été naturellement complété, notamment sur le thème du Saint-Esprit, par le premier Concile de Constantinople. Il convient également de souligner que nous nous trouvons sur une terre qui fut, d’une certaine manière, le berceau du christianisme, car c’est là que sont nées les premières communautés. Les lettres apostoliques étaient adressées à ces communautés, pensons à celles de Paul. Et les huit premiers conciles de l’histoire de l’Église s’y sont tenus. J’insiste donc sur l’importance de la centralité christologique dans la foi chrétienne, c’est là le cœur même de notre foi. J’insiste aussi sur la dimension œcuménique, c’est-à-dire le fait que nous nous réunissons pour professer la même foi en Jésus, vrai homme et vrai Dieu.

Une visite de la Mosquée Bleue est également prévue en Turquie. À une époque autant marquée par le fondamentalisme, ce voyage peut-il être l'occasion de renforcer la fraternité et le dialogue, et de réaffirmer que le nom de Dieu ne saurait jamais être invoqué pour tuer et diviser?

Oui, tout à fait. Je faisais justement référence à la dimension œcuménique de ce voyage. Bien sûr, il y a aussi un volet consacré au dialogue interreligieux. Par ailleurs, nous venons de célébrer le 60e anniversaire de Nostra Aetate. Cette encyclique, outre le fait de souligner le lien particulier qui unit les chrétiens et les juifs, met également en lumière les points communs entre les chrétiens et les musulmans. Je crois donc qu'il s'agit d'un geste de dialogue, d'un geste de respect, d'un geste interreligieux, qui vise à souligner que chrétiens et musulmans peuvent œuvrer ensemble pour un monde plus juste, plus solidaire, plus fraternel. Le Pape a déclaré récemment au Colisée que ceux qui prient ne cèdent pas au fondamentalisme. Prier, c'est donc rejeter le fondamentalisme et, en même temps, inviter à renforcer cette collaboration pour des causes communes justes.

Le Liban est un pays d'intégration qui a su renaître de ses cendres à maintes reprises au cours des cinquante dernières années. Quel message le Pape adressera-t-il au peuple de ce pays ?

Je pense qu'il s'agit avant tout d'un message d'espérance, car le Liban a besoin d'espérance. Le pays a récemment fait des progrès dans la résolution de la crise qui l'a affecté ces dernières années. Un président a été élu, un gouvernement est en place, des réformes sont en cours, mais de nombreuses difficultés, de nombreux retards, de nombreux obstacles persistent. Ces obstacles, s'ils ne les compromettent pas, risquent en réalité de ralentir la progression des réformes en cours et, par conséquent, de décevoir les espoirs et les attentes du peuple. C'est pourquoi il s'agit d'un message d'espoir qui dit: «Allez de l'avant, soyez courageux, essayez de continuer sur la voie que vous avez choisie», et en même temps, d'un message de proximité de l'Église. Vous savez combien le Saint-Siège est attentif au Liban car –pour reprendre une expression souvent galvaudée– il s'agit d'un message plus que d'un pays, dans la mesure où la coexistence pacifique y a été instaurée entre les différentes religions et les différents groupes ethniques. Cela doit donc se poursuivre et le Saint-Siège a toujours été, et restera proche, du Liban. Je pense que la présence du Pape signifie également cela, et surtout cela.

Vous avez évoqué les nombreux voyages des Papes sur place, dans le sillon de ceux effectués par Paul VI et notamment de celui effectué il y a 61 ans en Terre sainte pendant le Concile. Quelle est leur signification?

Je crois que les Papes, depuis Paul VI, ont vu dans les voyages apostoliques un instrument nouveau, une voie nouvelle, adaptée à notre temps, pour exercer leur ministère. Ce ministère s'inscrit fondamentalement toujours dans le cadre de la mission confiée par Jésus à saint Pierre: celle de fortifier les frères et de servir l'unité de l'Église. De nombreuses voies ont été empruntées au cours de l'histoire. À notre époque, les Papes ont jugé que c'était un instrument particulièrement approprié et, en un certain sens, pour reprendre les mots du Pape François, le signe d'une Église en mouvement. C'est l'Église qui n'attend pas que les fidèles viennent à elle, à Rome, au centre de l'Église, mais c'est l'Église qui devient elle aussi pèlerine et se rend présente à tous les peuples, toutes les cultures et toutes les réalités du monde. Il me semble donc que les voyages, au-delà de leur contenu propre –chacun s'adaptant naturellement à la réalité du pays visité– peuvent revêtir cette dimension universelle précisément parce que l'Église, en la personne du pasteur universel, se rend présente à tous.

Ce voyage nous emmène à la découverte de l'Europe et du Moyen-Orient, des réalités marquées par la guerre, les divisions et les migrations. Quelle contribution les chrétiens peuvent-ils apporter dans ce contexte?

Depuis toujours, les chrétiens ont joué un rôle fondamental au Moyen-Orient. Ils ont toujours apporté une contribution précieuse et significative à la vie sociale, économique, culturelle et même politique. Les chrétiens souhaitent continuer à contribuer et à exercer ce rôle qu'ils ont toujours tenu. Je crois qu'il s'agit fondamentalement d'un rôle de modération et de promotion du dialogue entre les parties. Le problème est qu'aujourd'hui, le nombre de chrétiens au Moyen-Orient ne cesse de diminuer, ce qui constitue une grande préoccupation pour le Saint-Siège. Nous souhaitons que les chrétiens puissent demeurer au Moyen-Orient et continuer à apporter, s'ils le désirent, leur contribution aux sociétés dans lesquelles ils vivent et dont ils font partie intégrante. Ils sont citoyens de ces pays, de ces sociétés, et doivent donc pouvoir continuer à y apporter leur contribution.

Éminence, vous avez maintes fois souligné le rôle particulier du Saint-Siège dans le contexte international. Quelle perspective, à la fois religieuse et diplomatique, voyez-vous dans le voyage du Pape en Turquie et au Liban?

J'ai déjà dit que ces voyages, comme beaucoup d'initiatives du Saint-Siège, peuvent être comparés à des semences. Nous semons, et les fruits viendront. Le Seigneur saura les reconnaître et quand viendra le temps de les récolter. Cependant, je crois que, surtout dans un contexte mondial marqué par toutes les difficultés que vous avez mentionnées, le Saint-Siège doit continuer de proclamer le thème de la rencontre, et non du conflit. Il doit donc dépasser les conflits pour trouver un terrain d'entente et œuvrer ensemble pour le bien de la société et de la famille humaine, pour le bien commun, ces grandes valeurs qui font partie de l'Évangile et que l'Église ne cesse de prêcher. Je crois que c'est là le rôle et l'espérance: que de ce message que le Pape répète sans cesse, à point nommé ou non, comme dirait l'Apôtre, puissent naître de nouvelles réalités, qu’il permette aux peuples de se comprendre, de vivre en paix et en harmonie, et construire ensemble la famille humaine.

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26 novembre 2025, 08:00