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Statue de Notre-Dame de l'Espérance en la basilique Saint-Pierre. Statue de Notre-Dame de l'Espérance en la basilique Saint-Pierre.  (@Vatican Media)

La difficile consolation des victimes d’abus sexuels

Parmi les pèlerins ayant participé au jubilé de la consolation et à la veillée de prière autour de Léon XIV, figuraient des victimes d’abus sexuels commis par des membres du clergé. Francis, 77 ans, était l’un d’entre elles. Après des décennies de silence, il a fini par parler et se confier. Depuis, il a fait l’expérience de la consolation, témoignant à plusieurs reprises devant les évêques de France et la Ciase.

Xavier Sartre – Cité du Vatican

Après des années de silence, Francis parle. Il témoigne sans cesse, devant les évêques de France, devant la Ciase, la commission chargée de faire la lumière sur les affaires d’abus au sein de l’Église de France. Sa parole est libérée après plus de cinquante ans de silence, depuis qu’à l’âge de 10 ans, un prêtre l’a abusé lors du sacrement de la réconciliation. Aujourd’hui, cet homme a 77 ans et il n’hésite plus à parler de ce drame qui l’a blessé à jamais. Il a pourtant attendu longtemps, et notamment le décès de sa mère pour s’en ouvrir à ses propres enfants.

Le Bon Samaritain

Ce lundi, il a remonté l’avenue de la Conciliation pour passer la porte sainte de la basilique Saint-Pierre avant de participer à la veillé de prière pour le jubilé de la consolation avec le Pape. Lors de son homélie, le Saint-Père est revenu sur une des lectures de la cérémonie, la parabole du Bon Samaritain, un texte qui a une signification particulière pour Francis. C’est voyant une icône représentant cet épisode et en réfléchissant au sens de ce récit qu’il s’est dit qu’il pourrait être l’homme dépouillé par les bandits. Il établit un parallèle entre son histoire personnelle et celle de cet homme blessé. «Pour moi, la première étape, c’est l’agression de ce prêtre qui me blesse sur “le terrain”» explique-t-il. «La seconde étape, c’est quand je suis allé voir mon évêque en 2014. Il m’a vu blessé, il a écouté mes paroles, il a écouté mes silences, il a vu mes larmes, il a pris du temps et quelques semaines après, il m’a invité à me rendre au centre hospitalier régional auprès de personnes qui s’occupent de victimes pour trouver un psychiatre» poursuit-il.

Cet évêque, ce serait le Bon Samaritain, celui qui porte secours à l’homme, qui l’emmène à l’auberge et le confie aux bons soins de l’hôte, ce serait celui qui reconnait qu’il ne peut pas tout mais qui se préoccupe de trouver quelqu’un de plus compétent. Il serait aussi ce Bon Samaritain qui doit revenir voir l’homme blessé et la notion de temps qui est implicite dans l’Évangile de Luc est importante aux yeux de Francis. «Ces blessures, qui tardent souvent à être révélées, ont besoin de temps pour être soignées» continue-t-il. «Quelques temps après cette première rencontre, je croise mon évêque dans la rue; il m’aperçoit, fait un détour et il me demande: “Comment allez-vous?” C’est ma première expérience de consolation» confie-t-il.

Un pardon difficile

Francis a donc été consolé mais cela ne garantit qu’il puisse lui, consoler à son tour une autre victime d’abus. «Pour moi, c’est très délicat, je sais que je dois me protéger, je dois écouter les propres limites de mon corps», reconnait-il, admettant revoir parfois ce qui s’est passé dans sa jeunesse. Quant au pardon, Francis préfère s’appuyer sur la réflexion développée par le philosophe Paul Ricoeur plutôt que sur le catéchisme de l’Église catholique. «Pour qu’un pardon soit accordé, il faut qu’il y ait une demande de pardon» explique-t-il. Or, son agresseur s’est suicidé quelques années après les faits. Mais «les demandes de pardon peuvent venir de l’institution et l’Église a fait une démarche de demande de pardon collective aux personnes victimes. Je ne vais pas dire que j’ai pardonné mais que j’ai reconnu la démarche de demande de pardon. Mais de toute façon, le pardon ne viendra pas gommer la blessure, elle demeurera toujours là; je mourrai avec» affirme-t-il. Car on ne guérit jamais d’un tel traumatisme estime Francis. «On pleure peut-être un peu moins souvent, mais je ne suis pas guéri.»

Au-delà de la parole, Francis reconnait que travailler en collaboration «avec les évêques, d’autres personnes, d’autres victimes, pour essayer de faire avancer le navire» l’a aidé à aller mieux. «Finalement j’ai utilisé ma blessure comme un moyen d’action». Il n’a donc pas hésité à témoigner, à échanger avec de nombreux évêques, à participer à des groupes de travail pour mettre en place des règles pour réparer et prévenir les abus à l’avenir. Il a ainsi activement contribué à la rédaction de la nouvelle pastorale des personnes victimes d’agressions sexuelles créée par la Conférence des évêques de France.

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16 septembre 2025, 13:03