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Manifestants à Antananarivo le 14 octobre Manifestants à Antananarivo le 14 octobre 

Les évêques malgaches appellent à ne pas trahir les aspirations du peuple

À l’issue de leur assemblée plénière, les évêques de Madagascar interpellent les politiques, les jeunes et l’ensemble de la population en ces temps de crise. Ils lancent un appel fort aux nouveaux dirigeants pour qu’ils appliquent une politique sociale et publique orientée vers le bien commun et le développement durable, loin de la corruption et des abus commis jusqu’alors.

Xavier Sartre – Cité du Vatican

Les mots sont forts. Les évêques de Madagascar, à l’issue de leur assemblée plénière, se sont de nouveau exprimé sur la crise qui a secoué leur pays ces dernières semaines et qui a vu la chute du président Andry Rajoelina, chassé du pouvoir par un coup d'État militaire et l'arrivée aux affaires du colonel Michael Randrianirina. Après leur prise de position fin septembre, ils répètent qu’ils ne peuvent pas garder le silence, car «le peuple malagasy, meurtri et fatigué, aspire à un véritable changement dans le pays et dans la gouvernance» écrivent-ils dans leur communiqué final.

Il y a d’abord les derniers événements, «la répression» des forces de l’ordre, les morts, les blessés, les destructions de biens lors des manifestations de rue, motivées par «la souffrance causée par le manque d’eau, les coupures fréquentes d’électricité», nourries par «la corruption sans fin, les abus de pouvoir, l’incompétence dans la gestion publique de la part des dirigeants à qui le peuple avait accordé sa confiance pour le servir et le protéger» expliquent les évêques. Ils saluent «le rôle majeur» estiment-ils, des jeunes qui se sont fait l’étendard des attentes de l’ensemble du peuple et de leur ras-le-bol «d’une politique dévoyée où les dirigeants ne recherchent que leurs intérêts personnels et ceux de leurs alliés».

Respecter les aspirations profondes des jeunes et du peuple

Depuis, il y a eu un changement à la tête de l’État. Et cela ne règle pas tout. Au contraire, «une inquiétude se fait déjà sentir: voir le processus actuel s’écarter des aspirations profondes des jeunes et du peuple» confie l’épiscopat qui pointe du doigt «la présence de personnes payées pour piéger ou saboter le changement tant espéré, en semant le désordre dans la société. Soyons donc vigilants» prévient-il, car «c’est la souffrance du peuple qu’il faut regarder en premier lieu, non les intérêts d’une minorité». «Le peuple malgache ne doit plus être comme un propriétaire mendiant sa part, mais enfin il doit bénéficier d’un véritable développement juste et durable» affirme-t-il.

Pour cela, «il faut une décision ferme de rompre avec les anciennes mauvaises habitudes» estime la conférence épiscopale. «La violence et la vengeance, sous quelque forme que ce soit, ne peuvent jamais conduire au développement, ni apporter la paix et la stabilité. La voie à suivre est celle de la réconciliation, de la communion, de la vérité et de la miséricorde» établit-elle, à l’adresse aussi bien des jeunes que des autorités de transition.

Les évêques expliquent alors la manière dont les politiques doivent maintenant agir pour que la politique soit «toujours un service pour le peuple, orienté vers la recherche du bien commun». Cela passe par une «concertation nationale inclusive, partant de la base», afin de «préparer un État stable et solide», car, selon eux, «une des grandes faiblesses du développement de Madagascar jusqu’ici a été le manque d’écoute mutuelle et de confiance réciproque». Ils demandent ainsi que les deux années de transition prévues soient respectées.

Le nouveau président, Michael Randrianirina
Le nouveau président, Michael Randrianirina   (ANSA)

Répondre aux besoins essentiels de la population

Concernant les besoins essentiels, ils sont connus: «l’électricité, l’eau, les routes et l’éducation», sans oublier «un service de santé accessible à tous, la sécurité générale pour protéger la population contre les bandits», des infrastructures routières permettant la circulation des biens agricoles et des produits de première nécessité. Les nouveaux gouvernants sont appelés à «donner des exemples concrets et tangibles»: cessation des «privilèges» dont bénéficiaient les «agents de l’ancien régime». «Ainsi, le peuple malgache pourra enfin se libérer de l’extrême misère qui lui est imposée depuis trop longtemps» affirme l’épiscopat.

Au-delà de ces preuves, les évêques dressent le portrait-robot des nouveaux dirigeants auxquels ils aspirent: «des responsables courageux et intègres, capables d’être bien fermes dans la vérité, même face à leur entourage», «capables de partager les responsabilités et le pouvoir, de faire confiance à leurs collaborateurs, et de veiller équitablement sur toutes les régions du pays», gérant «avec justice les richesses nationales pour le bien du peuple» et non les exploitant «pour leur profit personnel». «Que soient démantelés les réseaux qui considèrent Madagascar come leur propriété privée», exhortent-ils encore.

Mettre fin au pillage et à la corruption

Car le pouvoir de transition est appelé à mettre fin à la politique de «pillage» et de «recherche du pouvoir pour le pouvoir ainsi qu’à la convoitise des richesses nationales». «Ne manipulez pas la ferveur et la volonté de renouveau des jeunes et du peuple, désireux de reconstruire leur histoire» mettent-ils en garde. Les nouveaux dirigeants sont ainsi mis devant leurs responsabilités, celle notamment de «garder vivante l’espérance dans le cœur des jeunes, par une éducation et des programmes d’enseignement honnêtes, désintéressés loin de tous pièges».

Mais les évêques n’interpellent pas que les politiques mais aussi le peuple, qui doit aussi «changer de mentalité et se convertir», en commençant par éradiquer le «fléau» de la corruption, «devenue un véritable mode de vie contraire à la voix de la conscience et qui la tue». Quant aux jeunes, moteurs du changement, les hommes d’Église les appellent à tenir bon, à rester debout, «bien unis jusqu’au bout». «C’est sur vous que repose l’espérance d’une vie nouvelle pour la société et pour la nation», affirment-ils, précisant que leur regard neuf peut apporter «un souffle nouveau à Madagascar». «Ne soyez toutefois pas trop sûrs de vous-mêmes, mais accepter d’être des jeunes humbles qui ont besoin d’accompagnement et de guides dans leur marche dans la vie. Vous êtes l’avenir de la nation; ne vous laissez pas corrompre; apprenez à discerner le vrai du faux,» préviennent-ils.

Les évêques concluent en priant pour que «le chemin de refondation» entrepris ensemble comme une seule famille «ne s’écarte jamais de la volonté de Dieu».

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16 novembre 2025, 19:28