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Reprise des négociations de la COP30 ce lundi 17 novembre à Belém, au Brésil. Reprise des négociations de la COP30 ce lundi 17 novembre à Belém, au Brésil.   (AFP or licensors) Les dossiers de Radio Vatican

COP30: l’influence de l’Église dans les négociations à Belém

Coup d’envoi de la deuxième semaine de négociations à Belém. Les nombreux représentants ecclésiaux présents à la COP30 souhaitent mettre la justice climatique et le respect de la dignité humaine au cœur des débats. Analyse de la portée du message de l'Église dans les discussions climatiques avec le président de Coopération Internationale pour le Développement et la Solidarité (CIDSE), participant à la COP.

Alexandra Sirgant - Envoyée spéciale à Belém, Brésil

Dix jours après la venue des chefs d’États, c’est au tour des ministres de l’environnement des États signataires de se rendre à la COP30 ce lundi 17 novembre. Ils devront trancher sur plusieurs sujets, notamment sur l’épineuse question du financement climat, ou encore sur la concrétisation d’une feuille de route pour une sortie progressive des énergies fossiles d’ici 2050.

Depuis son adhésion en 2022 à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (UNFCC), le Saint-Siège contribue aux discussions climatiques. Fort d’une délégation de dix personnes à la COP30, le Vatican est particulièrement engagé sur les questions liées à la réforme de l’architecture financière mondiale, la transition juste et la réduction de la dépendance aux combustibles fossiles. 

Outre le Saint-Siège, plusieurs voix d’églises et membres de la société civile catholique œuvrent depuis le 10 novembre pour faire entendre le cri des populations déjà touchées par les conséquences du changement climatique. Sept cardinaux, au moins une vingtaine d’évêques et près de quarante organisations catholiques se succèdent à Belém. Une présence sans précédent analysée par Bernd Nilles, président du CIDSE, Coopération Internationale pour le Développement et la Solidarité et directeur de l’Action de Carême en Suisse.

Bernd Nilles, président du CIDSE.
Bernd Nilles, président du CIDSE.
Entretien diffusé dans la matinale de Radio Vatican avec le président du CIDSE.

Comment analyser la présence sans précédent de l’Église à cette COP?

Il y a déjà une longue tradition de présence de l’Église à la COP. Cela a commencé à petite échelle au début des années 2000. Puis, elle a été renforcée en 2008 lors de la COP14 à Poznań en Pologne, avec la présence d’un évêque. C’est à ce moment-là que nous, ONGs catholiques, avons vraiment commencé à travailler ensemble. Et puis, à partir de la publication de l'encyclique Laudato si' en 2015, nous avons commencé à nous professionnaliser, car nous avions reçu ce document riche qui guidait vraiment notre travail.

Aujourd’hui, à la COP30 nous avons: une délégation du Saint-Siège, des représentants de hauts niveaux avec les cardinaux et toutes les ONGs catholiques. Au total, cette délégation est l’une des plus larges jamais vu.

Vous diriez que c’est le fruit de l’héritage Laudato si’?

Oui, car cela prend un peu de temps avant qu’une encyclique n’arrive aux cœurs des chrétiens, des évêques, des cardinaux…J’ai d’ailleurs eu l’impression personnelle que beaucoup d’ONGs et de gouvernements ont fait la connaissance de Laudato Si’ avant des acteurs de l’Église. Par exemple, lors de la COP21 en 2015 à Paris, beaucoup de gouvernements citaient Laudato Si’ [publiée le 24 mai 2015] et répondaient à ce message d’Église. C’était vraiment incroyable. C’est à partir de là que l’Église a commencé à être vraiment reconnue comme un acteur pour la justice climatique.

Quel impact concret est-ce que l'Église peut avoir sur les discussions climatiques?

À chaque COP, il y a certains gouvernements qui répondent au message de l’Église. L’Église est écoutée par des gouvernements, cela ne fait aucun doute. Ici à Belém, par exemple, quand le Saint-Siège a présenté sa position sur la transition juste, la présidence de la COP l’a remercié pour son message et mis presque tous les points du Saint-Siège dans le document de négociation. Souvent, les négociateurs sont perdus dans les détails des négociations. C’est pourquoi c'est aussi important d'avoir quelqu'un qui parle de justice, droits humains, conversion écologique…ces mots ne sont pas utilisés par les négociateurs, mais les évêques les rappellent et réveillent parfois les négociateurs avec ces messages plus amples et plus forts.

La deuxième semaine de la COP vient de s’ouvrir. Où en est-on des négociations? Quels sont les sujets qui divisent?

Laissez-moi commencer par le positif: nous sommes vraiment arrivés à un bon résultat après une semaine de négociations. Le président du Brésil Luiz Inácio Lula da Silva a présenté au début de la COP le chemin à suivre des négociations, et maintenant, après seulement une semaine, nous avons abouti à déterminer un «paquet», à l’intérieur duquel toutes les questions clés sont sur la table. Rien n'est exclu, et ça c’est déjà un grand succès. Par exemple, les pays vulnérables demandaient de remettre sur la table les contributions déterminées au niveau national (NDCs) considérées trop faibles et inadaptées pour répondre à l’objectif de température maximum de 1,5° fixé par l’Accord de Paris. Beaucoup de gouvernements ne voulaient pas les renégocier, mais maintenant, nous avons des négociations sur cela, et c’est un grand succès.

Deuxièmement, la transition juste reste au cœur des négociations. C’est en partie grâce aux mouvements sociaux, aux groupes autochtones, aux représentants de l’Amazonie qui sont ici à Belém.

En revanche, parmi les sujets qui divisent se trouvent la question du financement. Les finances divisent toujours. Les pays pauvres doivent s'adapter aux changements climatiques: la température monte, les événements météorologiques sont extrêmes et entrainent des morts, des migrations extrêmes, des dégâts considérables. Les gouvernements du Nord ont proposé ici à Belém de mettre en place des indicateurs [pour l'Objectif mondial en matière d'adaptation, ndlr] pour permettre à ces pays de s’adapter aux changements climatiques, mais sans promettre de l’argent…Et cela crée des tensions.

Un deuxième conflit que nous avons, c’est le marché du carbone. Cette thématique n’était initialement pas à l’agenda de Belém, mais les grosses entreprises et certains gouvernements ont demandé de commencer des négociations sur le marché carbone. Concrètement, cela veut dire qu’un gouvernement ou une entreprise peut continuer à polluer l'atmosphère avec du CO2 en équilibrant ses émissions avec des investissements verts dans le Sud. Et ça, c'est comme tricher. C’est contre l’Accord de Paris. L’Action de Carême, la CIDSE et les évêques du Sud demandent à ce qu'on arrête avec ses marchés carbone ou, au minimum, à ce qu’on mette des règles importantes pour protéger l'environnement et les groupes locaux contre les gros investissements venus du Nord. Malheureusement, 1600 lobbyistes représentant le secteur des énergies fossiles sont présents à la COP et font des grandes pressions pour affaiblir ses règles.

Alors que les États s'étaient mis d'accord sur une transition hors des énergies fossiles lors de la COP 28 à Dubaï, ils peinent à concrétiser cet engagement. Pourquoi?

Cette question est sur la table car nous n'avons pas de feuille de route. Il n’y a pas de date précise ni de précisions sur la vitesse de cette sortie. Il y a seulement une promesse générale qui consiste à dire que les États sont d’accord d’en sortir. Mais, nous pouvons imaginer par exemple qu’un gouvernement comme l’Arabie Saoudite envisage cette sortie d’ici quarante ans! Mais pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut que tous les pays en soient sortis d’ici 2050.

Nos marchés, notre croissance, le bien être de notre société dépendent aujourd'hui des énergies fossiles. Changer cela est urgent, mais cela va être dur. Et je crois que l'Église peut jouer un grand rôle ici, car ces changements entrainent beaucoup de tensions partout dans le monde: entre les politiciens, les entreprises, les personnes qui prennent des vols pour les vacances…Tout le monde doit changer!

C'est une question profonde pour toute la société, et je crois que L'Église peut donner un peu d'espoir, mais aussi guider les gens dans cette transition et leur donner confiance.

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17 novembre 2025, 13:11